La technique : une libération ?

En quoi la technique est-elle libératrice ?

 

     Comme souvent, surtout lorsque le sujet se rapporte à un programme, le terme le plus important n’est pas celui qui renvoie à ce dernier, mais celui qui en formule une possible détermination, soit un prédicat dont on se demande s’il convient au sujet. Quant à la locution interrogative En quoi, elle suggère évidemment que les termes de la question ne sont pas assez univoques pour que la réponse ne dépende pas de précisions quant à leur interprétation.

     Si la question mérite d’être posée, c’est que, sous son allure académique un peu convenue, elle exprime un authentique problème philosophique qui, pour avoir retrouvé récemment toute son acuité, ne fait que nous renvoyer à des interrogations fort anciennes, attestant que, dans l’ordre de la pensée, l’âge ne fait pas toujours prendre des rides.

     Si le problème s’impose à la conscience et à la culture contemporaines, c’est assurément parce que les idées qui n’ont cessé de devenir de plus en plus prégnantes, socialement et politiquement, au cours des trois derniers siècles, se trouvent au moins partiellement mises en échec au vu des conséquences qu’elles ont entraînées, et qu’elles n’ont d’ailleurs pas fini de produire, pour autant que leur influence continue de s’étendre dans les pays dits aujourd’hui « émergents ».

     L’Europe moderne, et son extension outre-atlantique ont d’abord fait émerger un nouveau mode de pensée, dont le moment triomphant, voire triomphaliste, fut, au XIXe siècle, l’apparition de la philosophie positiviste d’Auguste Comte, prolongée, sur le plan idéologique et politique, par le « socialisme scientifique » de Marx et de ses disciples.

     La pensée de ce dernier fut en effet la consécration d’une idéologie du « Progrès » selon laquelle le perfectionnement des théories scientifiques et l’accroissement de puissance technique qu’on pouvait en attendre devaient permettre à l’humanité de trouver la solution à tous les problèmes « réels », auxquels elle n’avait opposé dans le passé que des solutions imaginaires, sous la forme de mythes ou de croyances religieuses. Le matérialisme de Marx, accomplissement du matérialisme bourgeois, lui fait admettre qu’il n’y a pour l’homme aucune réalité qui transcende la production de sa vie matérielle par l’exploitation technique de la nature, et qu’il importe qu’il ne soit pas détourné par des questions imaginaires de la solution des seuls problèmes socio-économiques engendrés par cette exploitation, et qui disparaîtront lorsque la société sera assez productive pour que la répartition des richesses ne soit plus un problème, et que l’inégalité des classes ne s’impose plus comme un nécessité.

     Cet aspect de la pensée de Marx explique le productivisme obstiné des mouvements et partis qui veulent s’en inspirer encore aujourd’hui, bien que ce productivisme se heurte aux difficultés désormais planétaires que sont la pollution des océans et des terres, leur appauvrissement par surexploitation ou déboisement immodéré, le traitement des déchets (1), ainsi que le réchauffement de l’atmosphère terrestre – dans lequel la part de l’industrie humaine est peut-être bien moindre que dans les exemples précédents.

     L’idéologie en question devait assurément son succès au fait qu’elle répondait à des problèmes humains et sociaux très réels. Les premiers développements de la production manufacturière, au XVIIe siècle, moyennant des investissements capitalistiques permis par l’accumulation de capital marchand durant les deux siècles précédents, devait servir aussi à donner du travail à une population grandissante, en même temps qu’à produire des richesses en quantité suffisante pour subvenir à ses besoins.

     Le marxisme a ainsi transposé sur le plan politique une doctrine de l’émancipation, dont la base ne pouvait être pour lui que l’acquisition d’une maîtrise de l’environnement naturel, moyennant la connaissance scientifique de la nature et la mise en œuvre des forces et des causalités ainsi découvertes.

     Cette émancipation a fini par être revendiquée comme la vocation propre de l’humanité, soit ce par quoi elle accomplit sa différence par rapport au monde naturel. C’est ce qu’expose Ernst Jünger dans son livre Der Arbeiter, publié en 1932. Qu’il s’agisse d’un penseur nazi explique sans doute que l’on ait retrouvé la formule Arbeit macht frei au fronton d’Auschwitz, mais on ne peut pas dire que les idéologies rivales du nazisme aient eu une conception de l’homme bien différente, et en aient toujours tiré des conséquences moins meurtrières. Les régimes communistes ont en effet anticipé ou reproduit, et en tout cas aggravé le modèle concentrationnaire des nazis. En 1964, L’homme unidimensionnel d’Herbert Marcuse montrait comment le matérialisme bourgeois, humanisme sans transcendance, tendait à s’étendre à toutes les sociétés, et triomphait encore mieux dans les sociétés où le marxisme n’avait pas entrepris de l’imposer par des voies politiques, répressives voire persécu­trices.

     L’idéologie du Progrès se trouvait ainsi mise en question de toute part, car les révolutions qui s’étaient faites en son nom avaient engendré des formes de despotisme et d’oppression pires que les anciennes. Quant au libéralisme des sociétés rivales, il était encouragé et fortifié autant par la réalité de cette oppression – longtemps dissimulée par les intelligentsias occidentales, soi-disant progressistes – que par son délitement progressif du fait d'une incapacité de réaliser son programme. Mais il maintenait une situation d’exploitation qui ne permettait pas à tous de profiter également du progrès.

     La partie la plus nantie de l’humanité contemporaine en vient à désespérer de la technique (2), dans laquelle elle avait mis tous ses espoirs, parce qu’elle n’a pas réussi à réaliser le rêve entrevu par Aristote, lorsqu’il imaginait que « si les navettes filaient toutes seules, (…) les contremaîtres n’auraient pas besoin d’ouvriers, ni les maîtres d’esclaves » (Politique, I).

     Aristote savait que l’esclavage, dans la civilisation qui était la sienne, était la condition de la liberté au sens politique du terme. Rousseau se demande encore dans le Contrat social si la démocratie pourrait exister sans reposer sur cette base, c’est-à-dire sans que les citoyens, en charge du bien public, voient leur temps libéré pour l’activité politique grâce au travail des autres. Cette activité civique était un aspect de ce que les Grecs dénommaient scholè, soit le temps utilisable à loisir pour autre chose que les activités productives et utilitaires, auxquelles les travailleurs étaient au contraire subordonnés en permanence, sans avoir part aux délibérations ni aux décisions politiques. Le terme de liberté n’a jamais désigné dans la langue grecque autre chose que cette condition non besogneuse et non laborieuse des « hommes libres » – éleuthéria.

     Le machinisme imaginé par Aristote peut apparaître comme un transfert à des dispositifs mécaniques de tâches antérieurement dévolues à ces « outils animés » qu’étaient à ses yeux les esclaves. Il paraît logique dès lors de considérer la mécanisation non seulement comme un moyen d’émancipation par rapport aux conditions restrictives qu’impose la situation naturelle des hommes, mais aussi comme un moyen d’émancipation sociale : la logique qui préside à l’esclavagisme n’est en rien supprimée, ni même modifiée, mais ses implications cessent de peser sur certains hommes, frustrés du développement de leurs capacités spécifiquement humaines d’intelligence et de volonté. L’humanité technicienne s’est dotée d’esclaves mécaniques.

     L’esclavagisme changeait ainsi de cible, et l’humanisme devait finir par y trouver son compte à partir du moment où, sous l’influence du christianisme, l’égalité des hommes prenait peu à peu la force, comme dit Marx, d’un « préjugé populaire » : la première libération des esclaves n’a été en effet ni politique, ni économique, mais liturgique, lorsqu’ils ont été admis autant que les autres à la célébration du culte, ce qui fut le cas dès le premier âge de l’Église chrétienne, mais ne l’avait jamais été dans le paganisme.

     C’est sans doute aussi pourquoi, dans la société industrielle moderne, le machinisme a encouragé une volonté d’émancipation sociale des classes laborieuses, alors qu’il avait été introduit d’abord en vue d’un gain de productivité. Le marxisme a poussé à son terme cette visée idéologique. L’industrie moderne a en effet infligé à ses prolétaires la condition de ceux que Marx appelle les « esclaves blancs », en pensant évidemment à ces esclaves noirs dont la traite avait enrichi plus d’un philosophe « éclairé » au siècle précédent.

     On comprend aussi que Marx ait pu s’en prendre, avec une certaine lucidité, aux mouvements qui, tel le luddisme, ne voyaient dans la mécanisation qu’une menace pour l’emploi et pour les travailleurs. Marx savait très bien qu’elle imposerait des déplacements de main d’œuvre, mais il voyait là, et il en trouvait l’exemple dans le capitalisme américain, une autre forme d’émancipation qui, poussant le travailleur à acquérir de nouvelles compétences, devait lui permettre, comme l’écrit à son retour des U.S.A. un ouvrier français cité dans Le capital, de devenir « moins mollusque et plus homme ».

     L’interprétation par Marx de la société américaine n’était pas sans rapport avec sa connaissance de la philosophie grecque, et notamment d’Aristote.

     Ce dernier avait en effet présenté la technè comme le premier stade de l’émancipation proprement intellectuelle de l’homme, pour autant qu’elle consiste en un mode de production devenu conscient de ses règles, lesquelles ne sont rien d’autre que l’énoncé intelligible de rapports déterminés de causalité, soit la première formulation de ce que nous appelons les lois de la nature.

     Aristote comprenait que la technè n’est rien d’autre que la causalité naturelle devenue consciente, pour autant que « l’art d’un côté fait faire à la nature ce qu’elle ne fait pas d’elle-même, d’un autre côté l’imite » (Physique, II, ch.8, 199a 15). La causalité naturelle n’est ni volontaire ni raisonnée – même si elle est « rationnelle en soi », comme dit Hegel –, et l’efficacité empirique est sans doute déjà volontaire, mais peu raisonnée, et dépourvue de l’intelligence de ce qui la permet et l’explique. En obtenant et procurant cette intelligence, la technè ouvre aussi l’espace des possibles, en donnant à la volonté les moyens de choix téléologiquement déterminés, plus certains de leur résultat que ceux qui ne reposent que sur un empirisme.

     La libération par la technè avait ainsi une signification anthropologique, avant de revêtir ses aspects sociopolitiques. Et il faut reconnaître le caractère franchement intellectualiste de ce qu’en dit Aristote, pour autant qu’il la classe parmi les vertus intellectuelles, attentif qu’il est au rôle qu’y joue le « jugement universel concernant les cas semblables » (Métaphysique, I, 1) – la règle – beaucoup plus qu’à l’habileté que requiert son application : Aristote partageait manifestement la vision péjorative que les Grecs cultivés avaient du travail manuel. Les philosophes aussi ont leurs préjugés…

     Hegel y fut peut-être moins enclin qui, dans sa célèbre dialectique de la maîtrise et de la servitude, fait valoir que le travailleur voué à lutter contre la résistance de la matière, en vue de la jouissance du maître qui l’a épargné, y acquiert une maîtrise qui tend à renverser le rapport initial de dépendance, et offre aux travailleurs les moyens de devenir maîtres non seulement de la nature, mais de leurs propres maîtres. À la différence d’Aristote, Hegel était le témoin d’une époque de révolution sociopolitique liée à une profonde transformation des modes de production, et pouvait chercher à en découvrir la logique profonde. Loin de récuser la conception aristotélicienne de la technè, il en tire plutôt de nouveaux fruits philosophiques.

     Cette conception montre avant tout dans la technè une forme majeure d’émergence de l’humanité de l’homme, qui lui a donné conscience d’être sapiens pour avoir été d’abord faber.

     On peut toutefois noter que cette manière de voir prêtait à deux interprétations divergentes.

     Certains penseurs, tel Engels s’inspirant de Bacon, ont tiré de l’efficacité technique une définition de la liberté comme « compréhension de la nécessité », définition résumée dans la formule : « On ne commande à la nature qu’en lui obéissant » – soit : on n’agit efficacement sur la nature qu’en se conformant à ses lois.

     Cette définition de la liberté trouve assurément sa version extrême dans le nécessitarisme de Spinoza, qui fonde métaphysiquement une dénégation de toute liberté qui consisterait en une capacité de choix volontaire, en tant que tel contingent. Comme Kant l’a exprimé lucidement, la logique de ce point de vue revient à penser que l’existence d’une telle liberté serait incompatible avec l’idée même d’un ordre naturel, parce qu’elle constituerait un pouvoir de se soustraire à ses lois.

     L’action technique fait pourtant la preuve qu’en effet la volonté humaine peut modifier par ses initiatives le cours naturel des choses, sans cesser pour autant d’être soumise à ses lois, puisque ce sont ces dernières qui lui permettent de produire ses effets. On peut seulement distinguer entre des effets qui se montrent plus réellement utiles parce qu’ils ne tendent pas à détruire leurs propres conditions d’effectuation, et d’autres qui comportent cette irrationalité, comme c’est évidemment le cas dans toutes les formes menaçantes d’altération de la biosphère.

     Le fait de l’efficacité technique devrait donc plutôt conduire à récuser non pas le principe de la détermination naturelle, sur laquelle elle est fondée, mais l’absolutisation déterministe de celle-ci : il atteste en effet la possibilité pour les hommes de choix dont aucune autre espèce naturelle ne se montre capable, possibilité accrue et non pas diminuée par le développement de la connaissance scientifique de la nature.

     On comprend que Bergson et Sartre aient pu revendiquer l’existence du libre arbitre comme d’un fait (3). Il a en effet pour lui l’évidence intérieure de la conscience, que conforte l’analyse philosophique de l’action humaine. Le déterminisme au contraire n’a jamais été qu’une postulation programmatique que la science, loin de l’accomplir et de la confirmer, a au contraire fini par réfuter au cours du XXe siècle. Le soupçon dirigé contre la liberté (4) comme une « illusion de transcendance » (Comte-Sponville) devrait donc être considéré comme un attachement à des positions philosophiques dépassées.

     Plus intéressante et originale est la position de Kant lorsqu’il fait rentrer la technique – sous le nom de technico-pratique – dans la philosophie théorique. Il sait en effet qu’elle se caractérise par une subordination de l’action volontaire à une loi qui est celle de la nature, à un double titre : c’est la nature qui est à l’origine des besoins qui ont conduit l’homme à se procurer par lui-même les moyens dont il n’était pas naturellement doté, et c’est elle qui lui offrait en même temps la possibilité de cette acquisition.

     Kant voit par suite dans l’action technique un usage conditionné de la volonté, toujours hétéronomique pour autant que la volonté y obéit à des exigences qui ne viennent pas d’elle, et qui ne s’imposent qu’en fonction de la fin qu’elles sont destinées à réaliser. La technique ne peut dès lors apparaître libératrice que si le point de vue technico-pratique n’est pas absolutisé, mais au contraire subordonné à un usage de la volonté qui pourra être considéré comme vraiment libre, parce qu’autonome et non pas hétéronome : la liberté de la volonté ne peut s’accomplir qu’au-delà du choix technique des moyens naturellement aptes à produire certaines fins, dont la visée est présupposée.

     Kant retrouvait par là une très ancienne problématique.

     Les penseurs chrétiens inspirés de Platon et d’Aristote avaient eu conscience que, s’il n’existe pas de liberté, au sens d’une capacité personnelle d’autodétermination, le concept de libération, notamment avec ses implications politiques, était dépourvu de sens – sinon celui qu’il a lorsqu’on parle de libérer le gaz dissous dans le champagne, en faisant sauter le bouchon.

     D’un autre côté, cette capacité dénommée libre arbitre n’est qu’une liberté en puissance, car elle ne trouve elle-même son sens qu’à se déterminer pour un bien, et il lui importe de savoir ce qui peut être visé absolument comme tel, et non plus seulement comme un moyen subordonné et relatif, qui tire toute sa bonté de celle de sa fin. Seule la connaissance du souverain bien peut dès lors permettre à l’action humaine de ne pas être insensée.

     Avant Kant et comme lui, Aristote en inférait que la sphère de la technè ne peut être que conditionnellement libératrice, si elle donne les moyens à l’intelligence humaine de se livrer à une activité qui ne soit plus subordonnée, mais ait sa fin en elle-même, ce qu’Aristote ne trouve que du côté des activités contemplatives, soient les activités immanentes – et non plus transitives comme les activités productives – qui sont de l’ordre de la connaissance, qu’elle soit théorique ou esthétique : activités gratuites en ce qu’elles ne sont plus utiles à autre chose, mais comportent leur satisfaction en elles-mêmes – activités de loisir au sens grec du terme, mais autres que les activités politiques, trop évidemment subordonnées, en principe, à ce bien extérieur que l’on dénomme commun.

     Les conceptions de Kant et d’Aristote, quoi qu’il en soit de leur divergence par ailleurs, donnent suffisamment à comprendre qu’une civilisation dans laquelle le point de vue techniciste tend à envahir la totalité de l’existence, ou dans laquelle, comme dit Marx « l’économie est l’instance dominante » – l’unidimensionnalité de Marcuse, qui était pour Marx la vérité implicite de toute l’histoire humaine –, ne peut être véritablement libératrice, non pas faute de moyens, mais parce que ce qui pourrait être la libération d’une partie de l’existence pour la contemplation est rendue impossible, soit par la condition injuste qui est imposée à une majorité d’humains, condamnés à chercher constamment les moyens de leur survie dans les pires conditions de pauvreté et de violence, soit par une surexploitation lucrative des « loisirs », qui ont ainsi pris un sens souvent tout opposé à l’acception grecque du terme.

     Sur ce point, la sagesse grecque croisait évidemment la sagesse biblique (5). Car l’Évangile enseignait que « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4, 4, citant Deutéronome, 8, 3), soit de toute proposition susceptible de lui enseigner quelque chose de vrai sur le sens de son existence ; et d’autre part : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jean, 8, 32).

 

     Pour une mise en forme :

- La problématique peut être aisément tirée des aspects contrastés de l’humanité contemporaine : dénuement inhumain de bon nombre d’humains qui ne disposent même pas de l’eau courante, et suréquipement dispendieux d’autres parties de l’humanité, qui semblent « avoir pris pour fin la multiplication des moyens » (Gustave Thibon) et des besoins concomitants.

- La première partie partira avantageusement, comme toujours, du plus communément admis, soit du discours traditionnel sur le caractère émancipateur de la technique, en tant que maîtrise de la nature et émergence de l’intelligence humaine.

- La deuxième partie exposera tout ce qui est propre à mettre en question la réalité de cette émancipation, non seulement par l’évidence de la situation critique d’aujourd’hui, ou des contreparties socialement négatives de l’industrialisation, mais aussi par une réflexion sur l’essence de la technique en tant que soumission à la nécessité naturelle.

- La troisième partie en inférera la nécessité de reconsidérer la notion de libération, quant au fondement philosophique qu’elle présuppose, et quant à l’exigence d’en chercher l’accomplissement au-delà de la sphère du techniquement maîtrisable.

- La conclusion alors logique est qu’il faut attendre la libération plutôt, ou du moins plus essentiellement, de la sagesse que de la technique, ce à quoi la philosophie peut éventuellement servir.

 

Michel Nodé-Langlois

 

(1) Dans son livre Gomorra, Roberto Saviano a fait des révélations saisissantes sur le rôle de la camorra, la mafia napolitaine, dans la pollution volontaire et criminelle des terres, voire des mers, par le « traitement » illégal des déchets toxiques, dont l’effet est de multiplier les pathologies mortelles dans des populations déjà déshéritées. Le crime organisé s’est ainsi greffé sur une sécrétion de sous-produits que la société industrielle a du mal à maîtriser, en proposant, pour une élimination truquée – en fait une dissimulation par dissémination –, des tarifs très inférieurs aux tarifs officiels pour un traitement véritable. Ce danger et ses effets sont d’ores et déjà beaucoup plus réels que ceux qui résultent du traitement des déchets nucléaires, publiquement encadré et contrôlé. Mais nos médias et Greenpeace parlent beaucoup de ces derniers, et très peu des premiers.

(2) Le thème de la décroissance est en train de prendre le relais de la protection de l’environnement dans le discours politique.

(3) « La liberté est un fait, et il n’en est pas de plus clair » (Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience).

(4) Souvent en référence à Spinoza, ou à l’idée présumée d’une science capable de tout expliquer.

(5) Celle-ci était encore l’inspiration profonde de Kant, mais comme il avait désespéré de la connaissance métaphysique, il en était venu à se faire une conception purement morale et moralisante du souverain bien, ainsi que du salut évangélique.