Du droit de mettre à mort

Peine de mort et mort sans peine : les questions oubliées

Il peut arriver qu’une réforme présentée comme une avancée sociétale majeure se trouve remise en cause par la promotion d’une réforme ultérieure.

Encore faut-il pour en avoir conscience comprendre en profondeur le sens qui est le leur et, pour cela, ne pas reculer devant des questions que leur prise en charge politique et médiatique contribue à laisser dans l’ombre. Leur caractère fondamental pourrait les faire juger décisives, mais elles ne pèsent guère dans les décisions législatives, non plus que dans les délibérations qui conduisent à celles-ci, pour la simple raison qu’elles ne sont en général pas posées.

Ainsi en va-t-il de l’abolition de la peine de mort.

 

1981 : la rupture

La République française s’honore d’avoir, il y a plus de quarante ans, renoncé à infliger la peine capitale : celle-ci était de plus en plus récusée comme un reste de barbarie archaïque au sein d’une modernité résolument humaniste.

L’un des interdits fondateurs de toute civilisation – celui que le Décalogue biblique a légué à la nôtre sous la forme de son cinquième commandement[1] : Tu ne tueras pas – se voyait conférer enfin, semblait-il, le caractère inconditionnel qui est selon Kant le propre de toute véritable loi morale[2]. Platon avait quant à lui[3] douté qu’on puisse gagner quelque chose à répéter un mal commis, et cela d’autant moins que ce dernier paraît plus détestable. Pascal notait à sa suite, reprenant saint Augustin : « faut‑il tuer pour empêcher qu’il n’y ait des méchants ? C’est en faire deux au lieu d’un[4] ».

L’enthousiasme suscité par une telle décision masquait toutefois deux aspects de la réalité à laquelle elle voulait répondre : l’un de fait et l’autre de droit. Ils montrent l’un et l’autre que ladite abolition n’allait nullement de soi.

 

Défense légitime ?

Ce qui cessait d’être autorisé légalement, c’était la mise à mort d’une personne qui s’ensuivrait de la décision d’une cour de Justice : elle avait en effet dans ce cas tous les caractères d’un homicide prémédité, qui plus est perpétré publiquement, et donnant ainsi l’exemple pas toujours dissuasif de l’une des fautes majeures auxquelles la loi cherche à faire obstacle.

Lorsque néanmoins un forcené a pris en otages, en mai 1993, les enfants et la maîtresse d’une classe maternelle à Neuilly-sur-Seine[5], menaçant de faire sauter des explosifs si ses exigences personnelles n’étaient pas satisfaites, le groupe d’intervention envoyé sur place n’a pu faire autrement, après échec des négociations pour amener l’agresseur à résipiscence, et malgré son désir partagé avec les pouvoirs publics d’éviter cette issue tragique, d’abattre le criminel pour sauver ses victimes, au moment où il parut vouloir passer à l’acte. On pouvait certes parler dans ce cas de légitime défense. Mais c’était justement là le principal argument jadis invoqué pour justifier la peine de mort.

En outre, le caractère prémédité de l’homicide défensif n’est pas moins évident dans un cas que dans l’autre. La seule différence entre les deux, qui n’est pas mince, est qu’un accusé en Cour d’Assises, à la différence d’un preneur d’otages en action, a cessé d’être une menace actuelle à l’encontre d’autres personnes.

La peine de mort était donc institutionnellement et même constitutionnellement abolie, mais la mise à mort par des forces de l’ordre mandatées en vue de cette issue éventuelle, se présentait encore comme la seule réponse possible et nécessaire à une situation dans laquelle une atteinte déjà particulièrement grave à la liberté et à la santé mentale de personnes innocentes se doublait de la menace d’une atteinte encore plus grave à leur vie : le preneur d’otages méritait de mourir pour la violence dont il se rendait coupable. La chose était sans doute encore plus évidente chaque fois qu’un terroriste a été abattu après ses meurtres, voire ses massacres.

 

La vie comme droit

Cette réalité de fait renvoie à une question de fond bien rarement posée : ne peut-on démériter de son droit de vivre ?

Le droit à la vie peut être considéré comme le premier de tous, dans la mesure où il est présupposé à l’exercice de tous les autres[6]. Or il est clair que le droit à la vie ne précède pas la vie elle-même. C’est au contraire parce que l’on vit – soit : parce que l’on a été engendré – que l’on a des droits, à commencer par celui de voir sa vie reconnue comme l’objet d’un droit, par toute autre personne engendrée semblablement. Les successives déclarations des droits humains ont commencé par stipuler que les humains, selon les termes utilisés en 1948, « naissent libres et égaux en dignité et en droits » : le fondement des droits que les humains ont les uns à l’égard des autres n’est autre que leur commune appartenance génétique à l’espèce humaine[7]. Le fondement de ces droits relève donc de la nature, et non pas d’une décision législative, et seul cet enracinement naturel, qui ne dépend de la volonté de personne, fonde la légitimité des lois qui sont instituées, moyennant une décision humaine, pour garantir les droits qui en découlent.

Or, si le fondement des droits est ainsi inconditionnel en ce qu’il ne saurait dépendre de la volonté de quiconque, l’exercice d’un droit quelconque est, lui, conditionnel, du fait que l’essence même du droit implique une réciprocité entre les personnes : je ne peux exiger d’autrui qu’il respecte mon droit sans exiger de moi-même de respecter le sien. Tel est le fondement des sanctions pénales qui sont infligées à quiconque lèse illégitimement une autre personne dans l’exercice de son droit.

Qu’une telle sanction s’impose, faute de quoi la loi qui stipule le droit resterait lettre morte, c’est là encore un principe qui relève de la nature, au sens où il est indépendant de toute volonté ou décision particulière, parce qu’il s’impose comme une nécessité intelligible. Comme Hegel, après Kant, l’avait fortement expliqué[8], celui qui transgresse une règle qui l’oblige à l’égard d’autrui porte en fait atteinte à son propre droit : le droit, fixé par la loi, n’est rien d’autre que l’expression d’une liberté commune, soit d’un usage par chacun de sa liberté personnelle qui n’empêche pas autrui de faire usage de la sienne, mais au contraire l’avalise. Léser autrui dans l’un de ses droits, c’est dénier ce droit à soi-même.

 

Le droit et son exercice

La raison pour laquelle on est un sujet de droits n’est donc pas quelque chose que l’on puisse avoir à mériter, mais il faut en revanche mériter de pouvoir user des droits que l’on possède fondamentalement par nature : l’on démérite de cet usage lorsqu’on le dénie à autrui, et c’est alors que ce démérite est sanctionné par l’infliction d’une peine, tout comme le mérite que l’on gagne à respecter le droit d’autrui a pour sanction la récompense d’être respecté par lui, sous l’égide de la loi commune.

La conclusion s’impose d’elle-même : dès lors que vivre est reconnu comme le premier des droits, pour celui qui n’a pas choisi de naître, l’exercice de ce droit – non pas le droit lui-même – s’avère tout aussi conditionnel que celui de tous les autres. Il n’apparaît donc pas, a priori, qu’il y ait une particulière barbarie, il y a plutôt de la logique à ce que l’on dise d’une personne responsable qu’elle mérite la mort, autrement dit : qu’elle a démérité de l’exercice de son droit de vivre.

Sans doute ce démérite est-il particulièrement évident lorsque quelqu’un met fin violemment à la vie de quelqu’un d’autre – du moins dans le cas où aucune situation passionnellement[9] peu supportable n’apporte une forme d’excuse, partielle, au criminel. Qui pourrait plus démériter de l’exercice de son droit de vivre qu’un tueur patenté, soit celui qui reçoit mission d’éliminer physiquement une personne pour le compte d’un commanditaire ? On en inférera tout aussi logiquement que ce dernier ne démérite pas moins que celui à qui il a, contre promesse de rétribution, donné l’ordre : « tue pour moi[10] ».

On peut toutefois penser qu’il y a d’autres manières de démériter de l’exercice de son droit de vivre qu’en commettant un homicide. La théologie médiévale, celle d’un Thomas d’Aquin par exemple[11], jugeait passible de la peine capitale le rapt, c’est-à-dire le viol, dont nous savons quelles meurtrissures indélébiles il impose à sa victime, tout autant que les sévices, sexuels ou non, infligés à des enfants aussi impuissants qu’innocents. Il y a des actes qui, sans éliminer physiquement, atteignent au plus profond la capacité de vivre : ils tuent en rendant une vie humaine littéralement – et durablement – impossible.

 

Sens de l’abolition

L’abolition de la peine capitale revenait donc à ne pas tenir compte de ce démérite.

La volonté de ne pas reproduire la violence du crime, et de conférer ce faisant à celui-ci une sorte d’avalisation rétrospective, était assurément déterminante et, il faut le reconnaître, sensée. Cela ne pouvait aller néanmoins sans que soit trouvée une alternative à l’élimination physique, telle qu’une incarcération à vie exclusive de toute réduction de peine.

Sans doute est-ce toujours à ses risques et périls qu’une société, par la médiation de ceux qui l’ont en charge, prend une telle décision. En tout cas ne peut-elle qu’en payer le prix, soit, au minimum, ce que lui coûte la volonté d’entretenir jusqu’à son décès la personne qu’elle aura renoncé à supprimer. Mais quoi qu’il en soit du risque, il y a bien là un droit : si le fait de sanctionner et punir un délit relève d’une nécessité intelligible qu’une longue tradition a dénommée droit naturel, la détermination de la manière de punir ne s’impose pas d’elle-même : relevant d’une décision volontaire, elle ne s’ensuit pas de la nature du délit comme un effet de sa cause. Aussi est-elle de l’ordre de ce que ladite tradition a dénommé droit positif, soit tout ce dont la sanction légale relève légitimement d’une convention collective.

Rien n’impose d’imiter le crime en le punissant, comme s’il devait y avoir à violer un violeur. Tout invite au contraire à dénoncer publiquement le caractère détestable d’une violence à l’endroit des personnes, en ne l’infligeant pas à celle qui s’en serait rendue coupable.

Mais il n’en apparaît que plus nécessaire de juger et signifier publiquement que telle personne mérite cette mort que la Cité renonce à lui infliger, pour les raisons qu’on a dites, charge à celle-ci de juger quels actes – outre le meurtre crapuleux et l’assassinat politique – sont tels que leur auteur ne mérite plus de continuer à vivre.

La reconnaissance de la réalité d’un tel démérite, et non pas l’occultation de la question à son sujet, apparaît comme le seul vrai moyen pour que l’abolition de la peine capitale ait tout le sens que l’on a voulu lui donner.

 

2022 : rupture de la rupture ?

On peut observer de nos jours une occultation, ou du moins un silence du même type dans un domaine où la mort donnée est devenue l’objet d’une vive controverse. Il y a néanmoins un étonnant contraste entre ce qui a triomphé naguère et ce qui s’emploie à triompher aujourd’hui[12].

L’abolition de la peine capitale a entraîné la disparition d’un personnage qui avait traversé l’histoire : le bourreau. Ce qui distinguait « l’exécuteur des hautes œuvres » d’un exécuteur de « basses œuvres » tel qu’un séide ou un nervi, c’est la singularité redoutable – aussi le bourreau opérait-il en général masqué, et résidait-il souvent à l’écart des cités – d’être le seul à pouvoir être mandaté pour accomplir un homicide, lequel, dans ce cas unique et même en temps de paix, ne pouvait entraîner aucune culpabilité.

Le bourreau était la personne à qui la société, par la voix des autorités publiques, pouvait dire : tue en mon nom, tue pour moi. Il est clair que l’innocence du bourreau, ou du moins la non-imputabilité de l’homicide qu’on l’enjoignait de commettre, avait en principe pour raison d’être la grave culpabilité de la personne à qui il devait l’infliger : si le bourreau avait pour tâche d’accomplir l’une des pires actions interdites, c’était dans l’idée qu’il n’y avait pas d’autre moyen de sanctionner le démérite d’un certain coupable, et de protéger la société contre le pouvoir de nuisance de ce dernier.

On peut aussi présumer que le bourreau opérait contre le gré de celui-ci. On a certes connu des coupables aspirant à leur châtiment comme à un acte de justice[13], mais, même dans ce cas, ce n’est pas l’exécuté qui donne l’ordre autorisant et obligeant le bourreau à l’exécution.

Si on ne recule pas devant les questions oubliées, on comprendra que l’évolution sociétale qui se profile aujourd’hui sous l’appellation de « suicide assisté » ou de « droit de mourir dans la dignité » renverse du tout au tout, quant à leur sens profond, celle qu’avait constituée l’abolition de la peine de mort.

 

La dignité en question

Il est vrai qu’à la différence de la peine capitale, l’assistance au suicide requiert le consentement de la personne qui s’offre d’elle-même à l’homicide : à cet égard, l’assistant qui met à mort diffère de toute évidence d’un bourreau.

De plus, la compassion humaniste qui préside à la promotion de cette assistance n’échappe à personne : on cherche là un remède à des fins de vie particulièrement douloureuses, pour le mourant et pour son entourage. La mort digne dont il est ici question est avant tout une mort sans peine.

L’appellation susdite a toutefois suscité une question que d’aucuns n’ont pas manqué de poser.

La dignité ici revendiquée paraît en effet se réduire à une inconscience, puisque c’est bien celle-ci qui est offerte comme remède. Or, s’il est vrai qu’une personne criminelle peut paraître indigne de vivre de par la manière dont elle a traité autrui, un humain souffrant n’en reste pas moins digne, quelle que soit la manière d’exprimer sa souffrance que celle-ci lui arrache, ou quel que soit l’état de déchéance auquel son vieillissement l’amène. Et quoi de plus digne que la charité – c’est le mot qui convient – des personnes qui offrent leur présence pour partager jusqu’au bout cette déchéance sans lui voler son terme ?

L’expression désormais consacrée « mourir dans la dignité » ne va pas sans frapper d’indignité la volonté, supposée anti-altruiste, de s’en remettre à une charité éventuellement héroïque d’autrui, celle qui se manifeste dans toutes les formes d’accompagnement à la mort prodiguées par les entourages familiaux – quand il y en a et qu’ils y consentent – ou par les unités de soins que l’on dit « palliatifs », précisément parce qu’ils ne vont pas sans la certitude de ne plus pouvoir obtenir une guérison. Conscients de leur impuissance à guérir, ils n’en apportent pas moins tout le secours physiologique, et surtout moral, qui peut permettre à un mourant de ne pas mourir dans la tristesse de se sentir abandonné.

 

« Tue-moi »

On voit ici quelle est la question dont on peut s’étonner qu’elle ne soit, semble-t-il, jamais posée. Il ne s’agit plus de savoir si l’on peut démériter de l’exercice de son droit de vivre, mais si l’on peut faire un devoir à d’autres de mettre fin à une vie que l’on ne désire pas prolonger, à un moment où l’on n’est plus en état d’y mettre fin soi-même. À l’interdit universel Tu ne tueras pas vient se substituer le droit d’adresser à autrui l’injonction : « tue-moi », dans l’idée que celle-ci suffit à rendre légitime et juste l’acte qu’elle exige[14].

Quelqu’un peut-il avoir le droit – on parle ici de légitimité, et non pas seulement de légalité – de demander à ses semblables de se rendre homicides à son profit, ou du moins au motif de ce qu’une éventuelle et indéniable détresse l’amènerait à considérer comme tel ? Peut-il se considérer comme maître de la vie et de la mort, et sommer autrui de se faire maître des siennes ? La Civilisation repose entre autres sur le principe que nul d’entre nous n’est ce maître : c’est ce que voulait signifier avec force l’abolition de la peine capitale[15].

Qu’aura-t-on gagné à supprimer la fonction sociale du bourreau, cet être à part reconnu comme le seul à avoir le droit de mettre à mort, hors situation de légitime défense ? Qu’y aura-t-on gagné, si la volonté de tout un chacun devient le principe d’un tel droit, et peut demander à des personnes de s’en faire l’instrument, en agissant tout à l’opposé de ce qui fait l’éminente dignité de leur vocation médicale ? La mise à mort, qui servait à attester suprêmement l’indignité d’un coupable, peut-elle devenir la condition d’une mort digne ? Si la société avait de quoi juger indigne de sa part d’exiger de l’un de ses membres qu’il se prête à un homicide en temps de paix, est-ce dans la dignité ou dans l’indignité que l’on meurt après l’avoir obtenu de certains à l’endroit de soi-même ?

*

Qui peut dire en toute justice à un frère humain : « tue-moi, car c’est la condition pour que je meure dignement » ?

Qui peut avoir le droit de demander à un frère humain de se rendre homicide, soit d’attenter au premier des droits qu’ils tiennent de leur commune nature ?

Qui peut prétendre à faire de sa volonté personnelle le principe qui suffirait à transformer en devoir ce que ladite nature conduit à frapper d’un interdit majeur ?

Emmanuel Kant a lumineusement reformulé l’impératif biblique en disant que, d’une manière générale, la loi morale exige de traiter l’humanité, en sa propre personne comme en celle d’autrui, « toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen[16] ».

C’est au nom de l’humanité que l’on a aboli la peine capitale, refusant de faire d’un coupable un simple moyen de l’ordre public.

C’est encore l’humanité qui est invoquée pour justifier l’assistance au suicide.

Mais est-il bien humain, aujourd’hui comme hier, de demander à un être humain de faire délibérément mourir son frère humain ?

Michel NODÉ-LANGLOIS

Vaurmaret, le 25 août 2022


[1] Ex 20, 13. Le texte hébreu dit plus précisément : tu n’assassineras pas.

[2] Voir : KANT, Critique de la faculté de juger, Introduction, I.

[3] Voir : PLATON, Les Lois, L. IX.

[4] PASCAL, Pensées B 911, L 659.

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_d%27otages_de_la_maternelle_de_Neuilly

[6] Le Décalogue biblique ne donne la préséance qu’au droit de la Divinité à l’adoration, et au droit des parents à l’honneur que leur doit leur progéniture ; mais les obligations ainsi définies n’ont de sens qu’en incombant à des personnes vivantes.

[7] La récusation d’un tel fondement reconduirait à avaliser des conceptions telles que le racisme ou le machisme, voire des institutions telles que l’esclavage ou la ségrégation (apartheid).

[8] Voir : HEGEL, Principes de la philosophie du droit¸ §§ 92 et 95.

[9] On pense sans doute à la figure ressassée du conjoint trompé, mais on peut aussi envisager celle du parent qui tue pour sauver ses enfants menacés.

[10] On n’a pas hésité à mettre à mort des donneurs d’ordres nazis qui n’ont peut-être jamais tué eux-mêmes, et on a refusé à tels de leurs subordonnés l’excuse de n’avoir fait qu’ « obéir aux ordres ».

[11] Voir : THOMAS D’AQUIN, Somme de théologie, Ia-IIae, q. 105, a. 2.

[12] Plus que d’une rupture, on pourrait assurément parler ici de l’aboutissement d’un processus amorcé en 2005 avec la loi Leonetti, complétée par la loi Claeys-Leonetti en 2016.

[13] Ce fut le cas de Jacques Fesch en 1957 et, en 1971, de Claude Buffet, exécuté avec Roger Bontems pour un double homicide à la prison de Clairvaux, malgré la défense du second par Robert Badinter, à qui l’on doit dix ans plus tard l’abolition de la peine capitale.

[14] La pratique du « lancer de nain » a été interdite au motif qu’elle était intrinsèquement une atteinte à la dignité d’une personne alors même que celle-ci y était consentante. (https://www.mafr.fr/IMG/pdf/CE_27_oct_1995.pdf et https://www.mafr.fr/fr/article/conseil-detat-15/).

[15] Les sociétés, à vrai dire, se sont montrées en pratique si peu fidèles à leur interdit fondateur qu’il y a tout lieu d’y voir une loi d’inspiration divine, plutôt que simplement humaine. Si elles tendent à renoncer à la peine de mort, c’est qu’elles ont une conscience accrue de n’être que trop impliquées – tels ces hommes que Jésus a détournés de lapider une femme adultère, « en commençant par les plus vieux » (Jn 8, 9) – dans la genèse des crimes qu’elles ne peuvent se dispenser de punir.

[16] KANT, Fondation de la Métaphysique des Mœurs, 2ème section. – L’énoncé kantien n’est rien d’autre qu’une reformulation philosophique du commandement : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18). La Bible donne de celui-ci deux autres formulations équivalentes, dont le caractère transculturel est bien établi : « ne fais à personne ce que tu détestes, et que cela n’entre dans ton cœur aucun jour de ta vie » (Tb 4, 15) ; et : « tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux » (Mt 7, 12).