Liberté d'expression

La liberté d'expression ne se divise pas

     Fort heureusement, le ridicule, sinon l’hypocrisie, tue moins que le fanatisme. Au moment où les manifestations revendicatives sont autorisées sans limitation de nombre, au mépris de la distanciation sanitaire exigée par ailleurs, on prétend interdire aux croyants de prier dans la rue, comme s’il était possible de faire peser une interdiction, et d’exercer un contrôle, sur un acte aussi intérieur, éventuellement inapparent : on peut prier debout les yeux ouverts aussi bien qu’à genoux les yeux fermés (masqué dans les deux cas, hors-église et hors-messe). Il est singulier qu’ayant revendiqué à cor et à cri la liberté d’expression, on la conteste à des catholiques qui peut-être pensent n’exprimer qu’une piété sincère, plutôt qu’être un poil à gratter dans le dos des autres, voire de la hiérarchie ecclésiale. On demande aujourd’hui aux religions de se montrer discrètes, et quoi de mieux que la discrétion, lorsqu’elle peut être le signe d’une reconnaissance mutuelle ? Mais plût au Ciel que l’irréligion drapée de républicanisme s’applique à elle-même l’exigence de discrétion qu’elle entend imposer, plutôt que se donner des dehors tapageurs qui vont jusqu’à l’ordure. Serait-il plus indécent d’afficher publiquement « Je veux être Jésus » que « Je suis Charlie » ? En d’autres termes : de se vouloir membre d’un Corps vraiment mystique parce que sacramentel, plutôt que d’un corps mystique de substitution, ersatz laïque du premier ?

MNL

 

[Courrier adressé au journal La Croix le 23 novembre 2020]