Au service de la Sagesse

    Quiconque prétend aujourd’hui enseigner non pas l’histoire de la philosophie, mais la philosophie, sera accusé de n’enseigner que le point de vue adopté par le professeur au lieu de confronter des systèmes de pensée différents. Et ceci sera à plus forte raison le cas, si par philosophie on entend la métaphysique, pensant avec Aristote que «?la physique est une philosophie, mais ce n’est pas la philosophie première?».

    En rassemblant dans ce volume des études apparemment diverses, notre collègue Michel Nodé-Langlois a voulu montrer précisément que la métaphysique est une véritable connaissance et doit être enseignée comme telle. Certains des articles publiés ici veulent corriger une pensée qui se réclame des Lumières, et on apprendra beaucoup sur les Lumières à lire «?Kant et la question du temps?» ou «?Les Lumières étaient-elles révolutionnaires ??» D’autres chapitres s’attaquent à des points discutés de la métaphysique thomiste, qui pourraient paraître très techniques si l’on en méconnaissait les enjeux, comme l’intuitivité de l’intellect, l’acte d’existence, ou encore le mal. Ces débats en effet mettent une fois encore en question la possibilité de la connaissance métaphysique, qui est le fil conducteur de l’ouvrage.

    Au fil des ans, chacune de ces contributions avait décelé quelque incohérence dans l’idéologie universitaire dominante. Une fois rassemblées en un volume, elles apparaissent - fortiter in re, suaviter in modo - comme la mise en question radicale d’une vision commode de la philosophie, dont l’illogisme frise l’hypocrisie. C’est ainsi que, sous un style aimable et dépourvu de polémique, même s’il sait être incisif, on verra transparaître certains arguments de Jacques Maritain, et on découvrira alors qu’on ne discrédite pas une pensée en l’ignorant au lieu de la réfuter. On en conclura donc que l’auteur n’entend pas enfermer ses élèves dans un système unique et dogmatique d’après lequel Kant aurait définitivement prouvé que la connaissance humaine était enfermée dans la temporalité, et que l’existence de Dieu était indémontrable, et d’après lequel la métaphysique ne relèverait donc que d’une archéologie confrontant des opinions également respectables et également injustifiables. Ce système en effet essaie en vain de surmonter le danger d’une vision matérialiste de l’homme, qui réduit l’éducation au dressage.

Jean Cachia

Publié dans la revue L'Agrégation de la Société des Agrégés.

 

https://www.thomas-d-aquin.com/documents/files/Node_Langlois.pdf