Pluralisme épistémologique

Pourquoi y a-t-il plusieurs sciences ?

 

            La multiplicité et la diversité des sciences sont un fait persistant depuis leur naissance, encore accentué par la spécialisation caractéristique de ces savoirs, grandissante au cours de leur histoire. Ce fait n’en est pas moins problématique dès lors que cette diversité se traduit par une rivalité et un conflit entre les explications scientifiques proposées pour un même type de réalités, tels ceux des  théories de la relativité et des quanta en physique, de la biologie moléculaire et du holisme en biologie, des neurosciences et de la psychologie, de cette dernière avec l’économie ou la sociologie. Un exemple bien actuel : qu’est-ce qui explique au juste, ou principalement, le réchauffement climatique ? Cette situation conflictuelle de la science conduit aujourd’hui à une critique (cf. Edgar Morin) des effets pervers de la spécialisation, laquelle engendre une forme d’ignorance, alors qu’on attend de la science un savoir, et que l’on considère en général qu’elle est seule à pouvoir le procurer. Il y donc lieu de se demander si la pluralité des sciences est pour la science une nécessité, ou s’il ne faut y voir que l’indice d’un manque de science.

 

 

I. Quot objecta, tot scientiae (Autant d’objets, autant de sciences)

 

A. L’archéologie du savoir scientifique

a. La spécialisation des sciences est une séquelle de leur origine technique (Aristote, Métaphysique , I, 1 ; Descartes, Règles, I). La spécialisation est une condition d’efficacité (Platon, République II). La théôria prolonge la pratique.

b. La division des mathématiques résulte de leurs origines empiriques : le compte marchand pour l’arithmétique, l’arpentage pour la géométrie.

c. Dans le domaine des sciences de la nature, l’empirisme des guérisseurs a conduit à la première formulation des règles de l’art médical par Hippocrate, et la fondation de la biologie par Aristote. La prise de conscience des conditions de l’efficacité technique a été la première connaissance des lois de la causalité physique : « l’art imite la nature ».

 

B. Le pluralisme épistémologique d’Aristote

a. La science se définit en général et formellement par sa capacité de démontrer, soit de prouver des conclusions en les fondant sur des principes.

b. Aux principes communs (axiomes) qui sous-tendent tous les raisonnements doivent s’ajouter les principes propres relatifs à chaque domaine d’étude. Chaque science a ses propres concepts premiers. Les « éléments » immobiles de la géométrie ne peuvent suffire à constituer une science des êtres mobiles.

c. Les sciences ne peuvent démontrer ni l’existence ni l’essence de leur objet, mais elles l’appréhendent soit par induction (sciences de la nature), soit par abstraction (mathématiques).

 

C. La division moderne : sciences formelles et sciences du réel

a. L’invention des géométries non-euclidiennes a attesté que les théorèmes mathématiques ne sont pour une part vrais que relativement aux principes que l’on choisit de poser initialement. La vérité dite formelle est seulement une cohérence par rapport à une axiomatique conventionnelle.

b. La vérité positive des sciences du réel est au contraire une conformité avec des données empiriques (« sauver les phénomènes »), moyennant des conditions d’expérimentation qui diffèrent selon les objets (la microphysique ne peut manquer d’interférer avec les particules qu’elle étudie, alors que l’éthologie animale doit tout faire pour l’éviter).

c. Il en résulte une équivoque problématique quant à la nature de la vérité scientifique : cohérence ad intra et conformité ad extra en sont deux définitions opposées. Même si l’on admet que toute théorie scientifique est hypothético-déductive, les sciences positives entendent se fonder sur des faits dont les sciences formelles ont commencé par faire abstraction.

 

 

II. Le projet rationaliste

 

A. Platon et l’idée de science absolue

a. Un discours qui ne fait que déduire à partir d’hypothèses n’est pas scientifique, mais seulement « dianoétique » : les conclusions n’y sont pas plus vérifiées que les points de départ.

b. La géométrie n’en a pas moins une supériorité sur tous les autres discours : la rigueur que lui permet son affranchissement à l’égard des apparences sensibles.

c. La vraie science serait donc une mathématique intégrale, mais pas purement formelle, parce que fondée sur une intuition – une connaissance immédiate – du principe anhypothétique de l’être, et intégralement déductive sans aucune référence au sensible. Cette définition de la science absolue reste chez Platon à l’état de programme (République, VI, fin).

 

B. Descartes et la mathesis universalis

a. Il oppose à la spécialisation technique l’exigence d’unification des sciences, en tant qu’elles sont toutes le fruit de la même raison humaine, et pour s’assurer de leur cohérence d’ensemble (Règles pour la direction de l’esprit, I).

b. Il reprend au platonisme l’idée d’une mathématisation intégrale du savoir (Règles, IV) : réduction des objets complexes aux « natures simples » qui sont les ingrédients premier de la pensée (telles la pensée et l’étendue).

c. Il repense l’idée d’une fondation métaphysique indispensable de « l’arbre de la science », à partir de l’unité substantielle du sujet pensant créé, et de la véracité du sujet pensant incréé : la science peut et doit être une parce que rien ne peut être connu avec certitude si ce n’est à partir de la conscience de soi, et que tout doit être connu comme dérivant de la divinité.

 

C. Carnap et le « physicalisme »

a. Il récuse le mathématisme idéaliste et formaliste qui neutralise l’expérience : l’empirisme logique reprend et prolonge la critique kantienne de la métaphysique en niant qu’il puisse y avoir une connaissance de ce qui n’est pas empiriquement vérifiable.

b. Le physicalisme est une réinterprétation antimétaphysique du rationalisme. Il s’agit en un sens d’un retour à Aristote quant au rôle donné à l’expérience : comme il le pensait, c’est de la science de la nature qu’il faut partir, mais, contrairement à ce qu’il pensait, il ne faut pas prétendre la dépasser.

c. Le physicalisme est une version réductionniste et matérialiste du rationalisme, qui professe le caractère à la fois fondateur et englobant de la physique, et la réductibilité de toutes les autres connaissances à celles de la physique, soit la déductibilité de toutes les propriétés naturelles à partir de celles des constituants matériels élémentaires (comme lorsque la biologie moléculaire sert à expliquer l’évolution).

 

 

III. Monisme ou pluralisme ?

 

A. Limites du réductionnisme

 

a. Le domaine de la biologie a depuis longtemps une valeur exemplaire en matière d’épistémologie philosophique. Descartes avait inauguré le programme d’une biologie entièrement mécaniste, suivi en cela par les matérialistes du siècle des Lumières, tel La Mettrie1. Celui-ci n’hésitait pas à appliquer à l’homme la théorie cartésienne dite des « animaux-machines », récusant ce qui chez Descartes faisait de l’homme – problématiquement – une exception au sein de la nature : l’union, en l’homme et en lui seul, de la machine corporelle et d’une âme spirituelle, mystérieusement capable de mouvoir le corps à volonté, et d’en recevoir des sensations. Le dualisme cartésien impliquait virtuellement une contradiction entre le déterminisme mécanique de la nature et la liberté de la volonté, contradiction qui commandera toute la philosophie kantienne et la construction du système critique, sans que l’antinomie y reçoive une solution plus claire que dans le cartésianisme. Par rapport à cette difficulté, le réductionnisme matérialiste pouvait apparaître comme un gain de cohérence du point de vue théorique, même s’il tendait à éliminer les concepts éthiques fondamentaux de liberté et de responsabilité.

     Kant toutefois – après Leibniz, et après avoir écrit les deux premières Critiques exposant, l’une, la théorie critique de la connaissance, l’autre, la refondation critique de la morale – en est venu dans la Critique de la faculté de juger à faire apparaître les limites du réductionnisme sur le plan théorique, et non pas seulement son antagonisme avec l’humanisme moral.

     La réduction mécaniciste impose en effet d’analyser les phénomènes de manière à y mettre en évidence des séquences mécaniques de cause à effet qui vérifient le principe déterministe selon lequel « tout ce qui arrive présuppose un état antérieur auquel il succède inévitablement selon une règle »2. Les sciences expérimentales s’appuient ainsi sur une décomposition des phénomènes de manière à mettre en évidence les éléments simples dont ils sont composés, soit à titre de constituants matériels, soit à titre de relations causales élémentaires.

     La conséquence inévitable est que ce type d’explication scientifique ne peut que perdre de vue la globalité des phénomènes, ce qui pourrait être sans importance si cette globalité était elle-même sans importance. Or ce que la troisième Critique kantienne met en évidence – retrouvant en cela la critique aristotélicienne de l’ancien matérialisme –,  c’est l’ignorance à laquelle condamne le mécanicisme dès lors qu’il s’agit de rendre compte de phénomènes d’organisation, tels ceux que les êtres vivants présentent, sous des formes remarquables à l’intérieur de la nature, qu’il s’agisse de la constitution et du fonctionnement des organismes – processus de régulation interne, comme l’homéostasie ou l’ho­méothermie, ou d’auto-entretien, comme la cicatrisation –, voire de la coordination des comportements – par exemple dans le fonctionnement d’une termitière.

     Tous ces phénomènes attestent que les mécanismes naturels bien réels sont les moyens d’un ordre qui les englobe, et qu’ils ne peuvent suffire à expliquer dans la mesure où ils ne le produisent que par leur concours organisé avec d’autres mécanismes : par exemple, le processus chimique de fixation de l’oxygène par l’hémoglobine du sang n’est un facteur causal d’explication de la vie qu’à l’intérieur de l’organisme, et non pas indépendamment de lui, autrement dit : par son intégration à un ensemble de causalités innombrables dont la mise en réseau – l’organisation – apparaît comme un facteur explicatif plus déterminant que chacun des mécanismes impliqué dans le tout organisé.

     Le problème épistémologique rencontré par le réductionnisme mécaniciste est qu’il n’y a pas d’explica­tion mécaniste d’un concours organisé de mécanismes : l’organisation relève d’un autre ordre, et c’est pourquoi le mécanicisme est condamné à considérer tout concours de causes mécaniques, même s’il est aussi régulier qu’une réaction chimique, comme un hasard, celui-ci se définissant comme la rencontre de causes indépendantes. Le réductionnisme rend donc inexplicables les phénomènes naturels d’organisation : leur explication suppose en effet que les causes mécaniques ne fonctionnent pas de manière indépendante ; mais la dépendance ou coordination des causes mécaniques n’est pas mécaniquement explicable.

 

b. C’est pourquoi le réductionnisme a suscité une critique à laquelle on a donné le nom de holisme, pour autant qu’elle argue avant tout de l’impuissance du réductionnisme à rendre compte de l’existence et du fonctionnement d’un tout (en grec : holon), dès lors que celui-ci n’est pas un simple agrégat d’éléments ajoutés les uns aux autres. Aristote enseignait déjà que la syllabe ba n’est pas réductible à ses éléments b et : elle n’est pas leur simple sommation, mais elle les intègre en leur conférant une certaine forme (en grec : eïdos).

     C’était reconnaître pour la première fois que l’explication d’un tout organisé doit faire appel non seulement à ces causes que constituent les éléments constituants et leurs propriétés – ce qu’Aristote appelle sa matière (en grec : hulè) –, mais aussi cet élément non matériel qu’est le principe formel de leur organisation. D’où la notion aristotélicienne de cause formelle. Descartes l’a décriée et rejetée, sans doute parce que lui et ses contemporains n’en comprenaient plus le vrai sens. Kant en revanche l’a d’une certaine manière redécouverte et réhabilitée dans sa troisième Critique, en caractérisant l’organisme par la causalité qu’y exerce le tout à l’égard de ses parties – ce qui était d’ailleurs autant une redécou­verte de la notion de cause finale, en tant que concept nécessaire à l’explication de certaines réalités naturelles, que de la notion de cause formelle.

     Celle-ci est si peu dépassée qu’un biologiste contemporain, Henri Laborit – qui pourtant faisait profession de matérialisme – n’hésitait pas à la reprendre à son compte : « On comprend maintenant que dans un organisme vivant, il y a une structure qui n’est (…) ni masse, ni énergie, qui réunit les éléments massiques, énergétiques, les atomes, les molécules, etc. Et finalement ce qui en sort, c’est un individu qui se prolonge dans le temps. Cet individu est donc fait d’informations qui ne se pèsent pas, qui ne sont pas matière, qui ne sont pas énergie, et de matière et d’énergie »3. On ne saurait être plus aristotélicien.

     Edgar Morin a pour sa part forgé le néologisme organisaction pour signifier que l’organisation n’est pas un simple état de fait selon un schéma statique, mais est au contraire l’effet dynamique d’une causalité particulière, structurante et non pas mécanique – ce qui est le vrai sens de la cause formelle aristotéli­cienne.

     Cette notion apparaît en fait indispensable pour rendre compte de toutes les propriétés que les sciences contemporaines dénomment émergentes, entendant par là des propriétés d’un tout irréductibles à celles de ses éléments constituants, et des nécessités mécaniques qui résultent de celles-ci. Morin souligne que, loin d’être une caractéristique des seuls vivants, l’émergence liée à l’organisation apparaît comme un phénomène naturel universel, qui commence avec les formes élémentaires des composants naturels, soient des atomes au sens moderne du terme, qui ne sont pas des éléments indivisibles, ingénérables et indestructibles, mais au contraire des touts muables résultant des différenciations et organisations primaires de la matière-énergie.

     Ainsi fait-il valoir que le phénomène d’émergence se manifeste déjà dans le domaine de l’inerte – qui est inorganique, mais non pas inorganisé : c’est ainsi que l’eau a des propriétés tout autres que celles de ses composants gazeux, l’hydrogène et l’oxygène, ne serait-ce que l’état liquide entre zéro et cent degrés Celsius au niveau de la mer. Aussi Morin n’hésite-t-il pas à écrire, sans savoir qu’il cite Aristote, que « le tout est plus que la somme des parties »4.

 

c. Il en résulte que, loin de pouvoir rendre compte des phénomènes liés à l’organisation, l’explication mécanique en dépend plutôt, puisque les propriétés élémentaires – physico-chimiques – auxquelles elle renvoie sont déjà elles-mêmes des effets d’organisation. Ce n’est pas à dire que la causalité mécanique ne puisse suffire à expliquer certains phénomènes, tel un séisme résultant de la tectonique des plaques, mais seulement que leur explication mécanique est rendue possible par la constitution formelle des agents en cause, qui fait par exemple qu’une éruption volcanique est d’une autre nature qu’un séisme, parce qu’elle met en œuvre des éléments minéraux semblables, mais structurés différemment – mettons : d’un côté du granite solide dont la structure cristalline a résulté d’un lent refroidissement, et de l’autre une lave visqueuse, dont le refroidissement rapide produira de la rhyolite, qui comporte les mêmes composants que le granite (quartz, feldspath, mica), mais organisés selon une structure différente5.

     Les notions d’organisation active et d’émergence permettent en outre de concevoir la distinction de formes d’êtres mutuellement irréductibles, telles les espèces d’éléments chimiques, ou les espèces vivantes. Du point de vue de leur matière, ces espèces sont toutes constituées par les mêmes éléments, qui sont eux-mêmes tous des formes différenciées d’une même énergie. Elles ne se distinguent que par la forme de cette différenciation, soit par la structuration de ce fonds commun, qu’Aristote appelait « matière première (prôtè hulè) ». Cette commune matérialité les rend muables, et plus ou moins transformables les unes dans les autres, mais leur transformation – par exemple, l’assimilation d’une nourriture par un organisme – consiste précisément à communiquer une nouvelle forme à des matériaux préexistants, les faisant contribuer à des causalités qu’ils n’exerçaient pas à l’état séparé.

     Il s’ensuit alors que le réductionnisme épistémologique est mis en échec, car il s’avère impossible d’expliquer une forme d’être, à un degré quelconque, en la ramenant aux propriétés de ses éléments, c’est-à-dire en déduisant la première des secondes. Cette indéductibilité, fortement défendue par Bergson, s’est imposée si fortement à la conscience scientifique que Jacques Monod n’hésitait pas à attribuer une probabilité « quasi nulle »6 à l’apparition de la vie, et à considérer l’apparition de toute nouvelle espèce comme un hasard7 .

     Il doit donc y avoir, comme le pensait Aristote, autant de sciences que de genres d’être différenciables, en fonction de leur degré d’organisation, et des propriétés génériques, puis spécifiques, liées à celui-ci. C’est ainsi que la psychologie se distingue de la biologie, et celle-ci de la physique, tout autant que la science des nombres se distingue de celle des grandeurs8.

 

B. Présupposés et implications ontologiques du monisme

a. Il s’avère que la forme contemporaine du réductionnisme – le physicalisme – présente deux faiblesses.

     La première est de méconnaître l’existence des réalités émergentes et l’impossibilité de déduire un degré de complexité supérieur à partir des degrés inférieurs – ou, si l’on veut, antérieurs dans l’histoire du cosmos depuis son origine temporelle. C’est pourquoi Castoriadis, comme Morin, considère le réductionnisme comme une forme de simplisme, qui ignore la nature de la complexité, tout autant que la complexité de la nature.

     La seconde est d’avoir renoncé à s’interroger, du fait des préjugés antimétaphysiques du néopositivisme, sur les conditions de possibilité théoriques – logiques et ontologiques – du monisme. Sur ce point, l’histoire du rationalisme métaphysique classique est beaucoup plus instructive que l’épistémolo­gie inspirée par les thèses du Cercle de Vienne.

     La reprise cartésienne du programme platonicien de la science absolue se heurtait à un obstacle majeur. Comme Platon le voulait, Descartes chercha à construire une science unifiée et intégralement déductive à partir des deux premiers principes métaphysiques qu’étaient pour lui l’évidence de la conscience de soi, et l’existence de Dieu rationnellement conclue. L’accomplissement de ce projet supposait donc que tout fût déductible à partir de ces principes, et qu’aucune réalité ne puisse être considérée comme connue en vérité, si ce n’est au moyen d’une telle déduction.

     Or Descartes reconnaissait qu’il lui était impossible d’une part de déduire, de la certitude qu’il avait de lui-même, l’idée de Dieu qui présidait à la démonstration de son existence, et d’autre part de déduire de Dieu aucune autre réalité, du fait que, à la différence de Platon et des néoplatoniciens, il concevait Dieu comme le créateur du monde, donc comme la cause libre de ce dernier, et allait jusqu’à penser que la contingence du monde créé signifiait que Dieu pouvait décider tout aussi arbitrairement de ses lois – y compris le principe de contradiction – que de son existence même.

     Le projet rationaliste d’unification de la science était donc sapé à la base par la notion métaphysique de création, et la contingence qu’elle implique dans la relation entre la cause première et l’ensemble de ses effets.

 

b. Spinoza eut conscience de cette difficulté, et en conclut qu’on ne pourrait sauver le rationalisme qu’en évacuant la notion de création, soit en pensant le rapport entre Dieu et ses effets non pas comme une contingence, mais comme une nécessité.

     Le rationalisme philosophique paraissait dès lors avoir partie liée avec un monisme ontologique nécessitariste. Sous cet aspect, le spinozisme ne va pas sans se rencontrer avec le physicalisme ultérieur, pour autant que celui-ci se veut tout autant déterministe. Cela peut expliquer que le physicalisme, malgré l’hostilité de ses fondateurs à la métaphysique, ait sans doute contribué à rendre populaire une doctrine aussi métaphysique que le spinozisme. Mais, précisément, la grande différence entre les deux conceptions réside dans le fait que Spinoza jugeait, comme Descartes, que la science ne pourrait s’achever en s’unifiant qu’à la condition de se fonder sur une métaphysique, et plus précisément de commencer par le vrai commencement ontologique, qui pour Spinoza est Dieu, et non pas la conscience de soi.

     C’est pourquoi l’Éthique commence par la démonstration métaphysique de l’existence de Dieu – tout comme elle finit en identifiant le bonheur à la connaissance de ce dernier –, démonstration qui, considérée en elle-même, ne présuppose la connaissance d’aucune autre chose, bien qu’en réalité Spinoza ne puisse l’exposer qu’à partir d’un nombre déjà assez grand de préalables.

     Cette démonstration se ramène en fait à l’argument que, depuis la Critique de la raison pure, on appelle « ontologique », lequel consiste à inférer l’existence de l’être absolument infini à partir de sa définition même : comme le redira Hegel en se référant explicitement à Spinoza, l’idée de Dieu est la seule « idée vraie », parce que c’est la seule qu’il suffit de penser pour reconnaître du même coup qu’elle implique l’existence de son objet, donc qu’elle est l’idée d’un être nécessaire, et même d’un être absolument nécessaire, nécessaire par lui-même et non pas comme effet d’autre chose.

     Spinoza a vu lucidement que le projet rationaliste d’unification de la science n’avait de sens que sur la base d’un tel fondement métaphysique. On pourrait donc difficilement confondre sa doctrine avec le physicalisme – qui repose essentiellement sur le rejet d’un tel fondement –, voire prétendre les professer ensemble, comme on se le permet souvent aujourd’hui. La « connaissance du troisième genre »9, c’est-à-dire la science accomplie telle que Spinoza la conçoit, consiste à connaître toute chose comme déductible à partir de l’essence éternelle de l’être absolument nécessaire, et à connaître du même coup que tout ce qui existe ou arrive est aussi nécessaire que lui, et de par sa propre nécessité.

     Ainsi il reste vrai pour Spinoza que, conformément à l’enseignement d’Aristote, il n’y a de science que du nécessaire, mais il est vrai aussi qu’il n’y a rien qui ne puisse et ne doive être objet de science : la science accomplie consiste en effet à savoir non seulement que tout est nécessaire, mais aussi comment chaque chose découle nécessairement de l’essence divine.

 

c. Ce monisme nécessitariste est contesté le plus souvent en considération de certaines de ses conséquences. Il est clair en effet qu’il exclut a priori toutes les formes envisageables de la contingence,  principalement : le hasard, et la liberté entendue comme libre arbitre. Kant l’a suffisamment vu et exposé avec insistance, jusqu’à se faire du spinozisme une sorte de repoussoir philosophique : il peut bien apparaître en effet comme une élimination de la notion humaniste de responsabilité morale, soit comme une subversion radicale de l’éthique et une réduction du droit à la force. On ne saurait en fait professer cette doctrine tout en revendiquant par ailleurs idéologiquement, sur le plan politique, des droits fondés sur l’affirmation du libre arbitre ; mais il n’y a pas plus de cohérence à le faire et à professer en même temps – comme c’est souvent le cas de nos jours – une biologie néo-darwinienne, qui met le hasard au principe de toutes les innovations dans la biosphère.

     La contestation morale du monisme nécessitariste est faible parce qu’extérieure. D’un autre côté, tant que l’unification de la science et l’idée d’une explicabilité intégrale du réel restent à l’état de programme, l’élimination du libre arbitre demeure aussi une simple hypothèse, dont rien n’empêcherait l’affirmation si l’absence d’une telle unification apparaissait non seulement comme un fait, difficilement contestable dans l’état actuel des sciences, mais comme une impossibilité.

     On peut néanmoins examiner le spinozisme de l’intérieur, en tirant parti de la lucidité métaphysique de Spinoza. C’est en effet lui qui, parmi les classiques, a eu le plus clairement conscience que le programme rationaliste conduisait logiquement à suspendre toute la science à la preuve ontologique de l’existence de Dieu. Toutes les autres preuves consistent à démontrer son existence a posteriori, soit à partir d’une existence connue avant la sienne, et donc indépendamment d’elle : c’est alors l’existence de Dieu qui est connue par déduction à partir d’autre chose, et non pas l’existence de toute chose à partir de l’essence de Dieu. Seule alors la contingence de ce qui n’est pas Dieu permet d’inférer la nécessité de celui-ci en tant que cause ultime du reste – nécessaire, mais pas forcément nécessitante. En effet, déduire les effets de Dieu à partir de lui – selon une nécessité que Kant dénomme descendante – supprimerait leur contingence, c’est-à-dire ce qui a permis de le déduire en tant que cause première – selon une nécessité ascendante, c’est-à-dire régressive. Dès lors, « je ne peux jamais achever la régression vers les conditions de l’existence sans admettre un être nécessaire, mais (…) je ne peux jamais commencer par lui »10, pour en déduire le reste.

     Si de plus – comme Thomas d’Aquin, Kant, et Carnap – on juge qu’il y a une faute logique à prétendre inférer une existence d’une définition, on en conclura que l’argument ontologique ne prouve pas ce qu’il prétend prouver : ni l’existence de Dieu, comme le seul être dont l’existence serait certaine, ni par conséquent la déductibilité des autres choses à partir de lui, faute de laquelle elles resteraient censément incertaines. On admettra alors que, si l’existence de Dieu peut être conclue, c’est seulement à partir de l’existence donnée d’autre chose, pour autant que la contingence de celle-ci nécessite de lui reconnaître une cause, et au bout du compte une cause première, comme Kant l’a exprimé avec assez de force.

     On peut enfin remarquer que la déductibilité supposée des effets de Dieu ne va pas sans paradoxe. Du fait qu’il l’admet, Spinoza n’hésite pas à présenter son Éthique comme « démontrée suivant l’ordre géométrique », et à expliquer qu’il y sera question de tout, y compris « des actions et des appétits humains, comme s’il était question de lignes, de surfaces et de solides »11. Or il est clair que la démonstrabilité des propriétés géométriques – telle l’incommensurabilité de la diagonale – implique qu’elles sont toujours inhérentes à leur sujet, et donc que celui-ci ne peut être sans que celles-là soient. En revanche, les effets de Dieu que Spinoza appelle ses « modes » ne lui sont pas coéternels, mais viennent à se produire selon un ordre de succession temporelle. Le paradoxe est donc que ce Dieu, de par la nécessité de son essence, est éternellement, et éternellement ce qu’il est, et que pourtant tout ce que cette essence est dite impliquer nécessairement, comme le cercle implique ses propriétés, n’existe pas éternellement, mais de façon temporaire. On est en droit de se demander s’il est possible de penser sans contradiction que ce qui est impliqué nécessairement dans une essence éternelle ne soit pas éternel.

     Ici ce n’est plus tant la diversité formelle des degrés d’être qui s’oppose à leur réduction moniste que le devenir caractéristique des réalités naturelles.

 

C. La question de la science première

a. La question de l’unité de la science fut à certains égards le « point de départ de la métaphysique »12.

     Aristote inventa en effet cette dernière, sans lui donner ce nom, en réfléchissant sur les multiples « sciences particulières »13 auxquelles il avait déjà affaire, mathématiques ou « physiques » au sens grec du terme. Le fait qu’elles prennent toutes pour objet d’étude un certain genre d’être rendait inévitable la question de savoir ce qu’il en était de l’être lui-même, pour autant que chacune d’elles le présuppose – sous le double aspect de l’existence et de l’essence – sans jamais en rendre compte. Il fallait donc qu’il y ait une « science de l’être en tant qu’être »14 pour que l’entreprise de constitution du savoir scientifique aille au bout d’elle-même.

     Cette manière d’envisager l’achèvement de la science peut bien être considérée comme une première forme de son unification, puisqu’elle consiste à accomplir le projet d’une science qui prenne pour objet ce que toutes les sciences existantes ont en commun, sans que chacune en fasse son objet propre. Le pendant logique de cette approche est la mise en évidence de l’existence des principes communs, ou axiomes, à côté des principes propres dont chaque science a besoin pour rendre compte de son objet.

     On peut voir dans le logicisme de Russell une tentative moderne pour accomplir le programme aristotélicien, sous la forme d’une axiomatique qui enracinerait tout l’édifice de la science dans une science première identifiée à la logique formelle mathématisée et à la théorie mathématique des ensembles : la science fondamentale devait ainsi consister dans une sorte d’ontologie formelle, dont le contenu était constitué par les tautologies logiques et les conséquences qu’elles permettent d’engendrer déductivement.

     Ce programme d’une axiomatisation intégrale de la science fut repris dans le formalisme de Hilbert, jusqu’à sa mise en échec par Gödel, dont les théorèmes (1930 et 1931) établissaient mathématiquement deux limites du formalisme : 1/ quels que soient les systèmes formels que l’on construirait, il y aurait toujours des propositions indécidables, c’est-à-dire non seulement indémontrables, mais dont on saurait qu’elles sont à la fois vraies et indémontrables (telle la proposition « qui dit d’elle-même qu’elle n’est pas démontrable » dans le système considéré) ; 2/ on ne peut prouver la consistance – c’est-à-dire la non-contradiction – d’aucun système formel au-delà du calcul des prédicats du premier ordre, qui est la version moderne, mathématisée, de la syllogistique aristotélicienne.

     L’échec du programme de Hilbert a conduit à une mise en question du formalisme15, qui est un aspect majeur de l’histoire de l’épistémologie philosophique au vingtième siècle.

 

b. Aristote pour sa part n’avait pas identifié la science première à une axiomatique logique à la fois générale et fondamentale, ni repris à son compte le programme platonicien d’une science unique, intégralement déductive à partir d’un principe premier purement intelligible.

     Cette position s’explique évidemment par le fait qu’Aristote, on l’a vu, reconnaît une irréductibilité mutuelle des formes d’être. Il ne voit pas, notamment, comment pourraient faire l’objet d’une unique science les idéalités immobiles connues par les mathématiques, moyennant une « abstraction (aphaïrésis) »16 qui leur est propre, et les réalités essentiellement mobiles – parce que matérielles – qui font l’objet des diverses sciences de la nature, homme compris. Que les mathématiques puissent être utilisées dans l’explication des phénomènes naturels, Aristote le sait, même s’il n’en fait que de modestes usages, parfois erronés. Mais, comme eussent dit saint Thomas ou Spinoza, une science qui fait abstraction des conditions matérielles de l’existence et de la mobilité doit différer secundum genus ou toto genere d’une science qui entreprend d’en faire la théorie.

     L’analyse qu’Aristote conduit de la notion même d’être est en pleine cohérence avec ce pluralisme épistémologique.

     Il montre en effet pour la première fois qu’il est impossible de considérer l’être comme un genre univoque dont toutes les classes ou « catégories » d’être seraient les espèces – tout comme la chèvre, le mouton, la vache, etc. sont des espèces d’un genre animal, dont la dénomination a une signification commune applicable à toutes. Des différences ne peuvent en effet spécifier, c’est-à-dire différencier, un genre qu’à la condition que celui-ci ne leur soit pas attribuable : c’est ainsi que les polygones sont spécifiés par le nombre de leurs côtés. Dès lors, pour que l’être soit un genre spécifiable, il faudrait qu’il ne soit pas attribuable aux différences qui le spécifient, donc que celles-ci ne soient pas, et par suite ne puissent rien différencier, ce qui est absurde.

     Aristote en conclut que l’être17, ne pouvant être univoque, doit être considéré comme un terme analogique, c’est-à-dire un terme dont la signification varie en fonction de ce à quoi on l’applique : c’est ainsi que dans n’importe quelle affirmation vraie, le sujet et son attribut doivent tous les deux être, mais ne peuvent être dans le même sens. Or cela montre que la diversité des sens de l’être comporte aussi une certaine unité, dans la mesure où tous ceux qui signifient une manière d’être – les accidents : qualité, quantité, relation, etc., qui n’existent jamais que comme attribut d’autre chose – supposent l’existence de ce qui est en soi, « absolument parlant (haplôs) »18, et qu’Aristote appelle la substance.

     Dès lors la science de l’être en tant qu’être ne pouvait consister seulement dans une élucidation logique de la notion d’être, et la formulation des axiomes transcendantaux qui s’y rapportent. Elle devait prendre pour objet l’explication des êtres en tant qu’ils sont – c’est-à-dire avant tout en tant qu’ils subsistent –, et non seulement en tant qu’ils sont tels ou tels. La science de l’être en tant qu’être s’identifiait ainsi à la science de ce qui est nécessaire pour expliquer la subsistance des substances. Or la subsistance d’une substance ne peut trouver son explication que dans l’existence d’une substance qui la précède dans l’être et la cause. Par suite, la science première, en laquelle s’achève l’entreprise d’explication scientifique du réel, doit être la connaissance, par voie de raisonnement, de ce qui peut être tenu pour premier, avoir rang de principe, dans l’ordre de l’existence substantielle.

 

c. On comprend alors comment Aristote s’est posé la question de la nature de la science première, et comment il y a répondu.

      L’antériorité de son objet ne pouvait être une simple priorité logique, telle celle du principe de contradiction. Il ne pouvait s’agir que d’une priorité ontologique, laquelle suscite, au livre VI de la Métaphysique, un questionnement en forme d’alternative : s’il n’existe rien d’autre que l’étant naturel, c’est la physique qui sera la « philosophie première » ; s’il existe autre chose, celle-ci consistera dans une science autre que la physique.

     C’est la deuxième branche de cette alternative qu’Aristote s’emploie à établir, dans le livre VIII de la Physique et le livre XII de la Métaphysique. La mobilité essentielle des êtres naturels implique en effet que leur existence, aussi bien que leur mouvement, ne puisse avoir lieu sans qu’il existe des causes pour les produire. Rien ne pouvant se causer soi-même – ce qui voudrait dire : se précéder dans l’être, exister avant d’exister19 –, aucun être causé ne suffit à rendre compte ni de sa propre existence ni de celle des autres. Selon un raisonnement que Kant encore jugera irréprochable dans la Critique de la raison pure, l’existence des êtres causés suppose celle d’un être incausé, qui peut seul être en tant que tel la cause première et l’explication suffisante de tous les autres.

     Cet être est celui qu’Aristote dénomme le premier moteur, qui ne peut être que d’une toute autre essence que les êtres dont il est le principe ontologique premier. C’est pourquoi, non seulement il identifie la science première et la théologie, mais il reconnaît une irréductibilité encore plus grande entre celle-ci et la physique qu’entre les branches de cette dernière, et cela alors même qu’il ne pense pas encore la différence entre l’être divin et les autres êtres comme celle de l’incréé et du créé. C’est donc dans la théologie que la science, selon Aristote, trouve son achèvement, parce que l’objet de celle-ci est ce qui fait l’unité de l’être, dans la mesure où tous les êtres qui ne sont pas lui en dépendent.

     Aristote n’a toutefois jamais tiré de cette unité analogique de l’être l’idée d’une unification des sciences telle que l’ambitionneront le rationalisme et le physicalisme modernes.

     C’est que la « philosophie première », telle qu’il l’entendait – la métaphysique, pour sa postérité – ne pouvait constituer pour lui un point de départ : c’est en effet seulement dans la mesure où il est d’abord possible de constituer une science – ou plutôt : une multitude de sciences – des êtres dont l’existence est donnée dans l’expérience sensible, qu’il est possible ensuite d’inférer à partir d’elle l’existence d’autre chose, en tant que cause ultime nécessaire. Cette démarche est celle d’une métaphysique a posteriori – de l’effet à la cause – et non pas a priori – de la cause à l’effet. Spinoza lui-même la reprendra à son compte, tout en la subordonnant à l’argument ontologique20.

     Si l’on ne peut être métaphysicien qu’à la condition d’être d’abord physicien, il est clair qu’on ne peut prétendre déduire la physique à partir d’une métaphysique : c’est pourquoi Thomas d’Aquin a pu exploiter l’aristotélisme pour rendre intelligible son créationnisme métaphysique, alors que ce dernier se révélera ensuite incompatible avec le rationalisme professé par Descartes et ses successeurs.

     Et si l’on peut devenir métaphysicien après avoir été physicien, alors on ne saurait donner à la physique le rôle que Descartes et Spinoza donnaient à la métaphysique, comme c’est le cas dans le physicalisme.

 

Conclusion

     L’aristotélisme, tout autant que l’examen du rationalisme classique, ainsi que l’histoire des sciences et de l’épistémologie modernes, donnent à penser que la pluralité des sciences n’est pas un simple accident, mais résulte de raisons logiques et ontologiques. L’ambition de réduire cette pluralité à l’unité d’un système intégral de la science, avant d’être professée par le physicalisme antimétaphysique, a été celle de métaphysiciens dont le point commun fut l’ignorance (Platon) ou le rejet (Spinoza, Hegel) de l’idée métaphysique de création. L’échec de ce projet est sans doute un indice de ce que la pluralité des sciences est irréductible, parce qu’elle tient à la réalité d’une irréductibilité mutuelle de leurs objets respectifs. Mais il atteste aussi qu’une telle proposition, tout comme sa négation réductionniste, ne peuvent relever que d’une métascience qui ait par rapport aux autres sciences le même statut logique que la métaphysique dans la tradition aristotélicienne, soit celui d’une science première à laquelle les autres conduisent à remonter, sans qu’il soit possible à l’inverse de les en déduire.

 

1 Voir : L’homme-machine.

2 Kant, Critique de la raison pure, Preuve de la thèse de la 3ème antinomie.

3 Interview avec Jean-Louis Servan-Schreiber sur TF1, le 8 septembre 1980.

4 Edgar Morin, La Méthode, t.I, p.106. Voir : Aristote, Métaphysique, livre VIII, ch.6, début.

5 Autre exemple : l’équivalent éruptif du basalte est le gabbro, les éléments communs aux deux étant le feldspath, le mica, et les pyroxènes, absents des deux roches citées dans le texte, tandis que le quartz est absent des deux autres.

6 J. Monod, Le hasard et la nécessité, p.161.

7 Op. cit., p.127.

8 Sur la notion d’émergence et ses incidences épistémologiques, voir L'émergence : incidences épistémologiques.

9 Spinoza, Éthique, 5ème partie, prop. XL, scolie II.

10 Kant, Critique de la raison pure, Découverte et éclaircissement de l’apparence dialectique.

11 Spinoza, Éthique, Prologue de la 3ème partie.

12 Titre d’un ouvrage de Joseph Maréchal (DDB 1964).

13 Aristote, Métaphysique, VI, 1.

14 Ibid.

15 Voir : Frédéric Nef et Denis Vernant, Le formalisme en question, Le tournant des années 30 (Vrin 1998).

16 Aristote, ibid.

17 Cette propriété s’étend à tous les termes dits transcendantaux : l’un, la chose, le vrai, le nécessaire, etc.

18 Aristote, Réfutations sophistiques, 5.

19 À qui objecterait que la philosophie première d’Aristote ne se déploie pas sur le plan de l’existence, comme le fera la métaphysique thomasienne, on rappellera que son cœur logique est assurément la distinction entre le sens absolu et les sens relatifs de l’être, le premier étant l’unique prédicat susceptible d’exprimer la substance en son sens premier. Ce que Thomas d’Aquin a pu développer dans le sens d’un existentialisme métaphysique était on ne plus présent et explicite dans le propos d’Aristote, alors même que ce dernier n’en a pas dégagé toutes les implications.

20 Voir : Éthique, I, prop. XI, Autres démonstrations et Scolie.