La science est-elle matérialiste ?

     Le terme matérialisme désigne la conception selon laquelle la matière dont sont faits les corps est la seule réalité véritablement subsistante, de sorte que les êtres corporels ne soient en vérité rien que cela - y soient réductibles - quoi qu'ils semblent être par ailleurs, et que d'une manière générale il n'existe rien d'autre que la réalité matérielle. C'est un lieu commun souvent admis que les sciences de la nature en constituent une justification majeure.

 

 

Basil Hiley (né en 1935) est un physicien anglais spécialiste de Physique quantique, professeur émérite de l'Université de Londres. Il a reçu en 2012 le Prix Majorana du "Meilleur physicien".

 

     « Let us ask the question: “Where is the ‘substance’ of matter ? Is it in the atom ?’’ The answer is clearly “no”. The atoms are made of protons, neutrons and electrons. Is it then in the protons and neutrons ? Again “no”, because these particles are made of quarks and gluons. Is it in the quark ? We can always hope it is, but my feeling is that these entities will be shown to be composed of “preons”, a word that has already used in this connection. But we need not go down that road to see that there is no ultimon. A quark and an antiquark can annihilate each other to produce photons (electromagnetic energy) and the photon is hardly what we need to explain the solidity of macroscopic matter such as a table. Thus we see the attempt to attribute the stability of the table to some ultimate “solid” entity is misguided » ('Mind and matter', dans Learning as Self-Organization, ed., K. H. Pribram and J. King, pp. 569-86, Lawrence Erlbaum Associates, New Jersey, 1996).

 

[« Posons-nous la question: « Où est la ‘‘substance’’ de la matière ? Est-elle dans l’atome ? » La réponse est clairement « non ». Les atomes sont faits de protons, de neutrons et d’électrons. Est-elle donc dans les protons et les neutrons ? Encore une fois « non », parce que ces particules sont constituées de quarks et de gluons. Est-elle dans le quark ? On peut toujours espérer qu’elle l’est, mais mon sentiment est que l’on montrera que ces entités sont composées de ‘‘préons’’, un mot qui a déjà été utilisé à cet effet. Mais nous n’avons pas à continuer plus loin pour voir qu’il n’y a pas d’ultimon. Un quark et un antiquark peuvent s’annihiler mutuellement pour produire des photons (de l’énergie électromagnétique) et le photon n’est pas vraiment ce dont nous avons besoin pour expliquer la solidité de la matière macroscopique de cette table. Ainsi, nous voyons que la tentative d’attribuer la stabilité de la table à quelque entité ultime ‘‘solide’’ est erronée » (traduction MNL).

 

 

Henri Laborit (1914-1995) était un chirurgien français, neurobiologiste et éthologue. Il professait une philosophie matérialiste.

 

     « On comprend maintenant que dans un organisme vivant il y a une structure qui n’est, comme l’a dit Wiener, ni masse ni énergie, qui réunit les éléments massiques, énergétiques, les atomes, les molécules, etc. Et finalement ce qui en sort, c’est un individu qui se prolonge dans le temps. Cet individu est donc fait d’informations qui ne se pèsent pas, qui ne sont pas matière, qui ne sont pas énergie, et de matière et d’énergie » (Entretien sur TF1 avec Jean?Louis Servan?Schreiber du 8 septembre 1980).

 

     De tels propos attestent que notre biologie et notre physique, dans leur état actuel, sont beaucoup plus aristotéliciennes que matérialistes.

 

 

Werner Heisenberg  (1901-1976) -  La découverte de Planck et les problèmes philosophiques de la physique atomique (conférence du 4 septembre 1958, dans L’homme et l’atome, Rencontres internationales de Genève, tome XIII, Éditions de la Baconnière, Neuchâtel, 1958, 368 pages).

[Dernier §]

     Die Elementarteilchen der modernen Physik sind, ähnlich wie jene regulären Körper der platonischen Philosophie, durch mathematische Symmetrieforderungen bestimmt, sie sind nicht ewig und unveränderlich, und sie sind daher kaum das, was man im p.053 eigentlichen Sinn als wirklich bezeichnen könnte. Vielmehr sind sie einfache Darstellungen jener mathematischen Grundstrukturen, zu denen man kommt, wenn man die Materie immer weiter zu teilen versucht, und die eben den Inhalt der grundlegenden Naturgesetze bilden. Für die moderne Naturwissenschaft steht also am Anfang nicht  das materielle Ding, sondern die Form, die mathematische Symmetrie. Und da die mathematische Struktur letzten Endes ein geistiger Inhalt ist, künnte  man auch mit den Worten von Goethes Faust sagen : « Am Angang war der Sinn. « Diesen Sinn, soweit er eben die Grundstruktur der Materie betrifft, in  allen Einzelheiten und in voiler Klarheit zu erkennen, ist die Aufgabe der heutigen Atomphysik und ihrer leider of recht komplizierten Apparaturen. Es scheint mir faszinierend sich vorzustellen, dass heute in den verschiedensten Teilen der Erde und mit den stärksten der heutigen Technik zu Gebote stehenden Mitteln gemeinsam um die Lösung von Problemen gerungen wird, die schon vor 2½ Jahrtausenden von den griechischen Philosophen gestellt  wurden, und dass wir die Antwort vielleicht in einigen Jahren oder spätestens in ein oder zwei Jahrzehnten wissen werden.

 

     [« Les particules élémentaires de la physique moderne, comme les corps réguliers de la philosophie platonicienne, sont déterminés par des exigences de symétrie mathématique ; elles ne sont ni éternelles ni immuables, et c’est par conséquent à peine si l’on peut les qualifier de réelles (wirklich) à proprement parler. Bien plutôt sont-elle de simples représentations de ces structures mathématiques fondamentales auxquelles on aboutit quand on cherche à poursuivre la division de la matière, et à se représenter le contenu des lois fondamentales de la nature. Pour la science moderne de la nature, ce qui donc se trouve au commencement, ce n’est pas la chose matérielle mais la forme, la symétrie mathématique. Et comme la structure mathématique est en fin de compte un contenu spirituel (geistiger), on pourrait encore citer le mot du Faust de Goethe : « Au commencement était le sens (Sinn) ». Reconnaître ce sens, pour autant qu’il concerne la structure fondamentale de la matière, dans tout son détail et en pleine clarté, c’est la tâche de la physique atomique d’aujourd’hui et de son appareillage malheureusement souvent assez complexe. Cela m’apparaît comme une perspective fascinante qu’aujourd’hui, dans les diverses parties de la Terre, et avec les plus puissantes des techniques actuelles, on s’efforce de répondre à l’exigence de réunir des moyens pour résoudre des problèmes qui ont déjà été posés par les philosophes grecs depuis 2500 ans, et que nous connaissions peut-être la réponse dans quelques années, ou au plus tard dans une ou deux décennies » (traduction MNL)].

 

Michel Nodé-Langlois