Kant et la métaphysique

  

 

 

Kant et la métaphysique – compendium.

 

 

 

1/ La science s’oppose essentiellement à l’opinion comme connaissance de vérités universelles et nécessaires, plutôt que singulières et contingentes.

 

2/ C’est par la sensation que nous avons conscience d’être affectés par une réalité distincte de nous, et c’est donc par la sensation que commence toute notre connaissance.

 

3/ La sensation et l’expérience résultant de la multiplication répétitive des sensations ne donnent à connaître que du factuel singulier ou particulier (ponctuel ou habituel).

 

4/ Rien d’universel ni de nécessaire ne peut donc être connu à partir de l’expérience. [L’inférence de 3 à 4 recèle une contradiction commune à Kant et à Hume].

 

5/ L’expérience ne peut être source de science que dans la mesure où la raison humaine possède indépendamment d’elle des connaissances a priori : concepts purs vraiment universels (catégories), et principes nécessaires de l’entendement (jugements synthétiques a priori).

 

6/ Ne pouvant provenir de l’expérience, il faut que ces concepts et jugements proviennent de l’entendement, qui les tire de lui-même de façon spontanée.

 

7/ Pour autant, ces éléments intelligibles ne donnent la connaissance d’aucune chose existante : comme structures mentales, ils ne sont que la représentation formelle d’un ordre nécessaire entre des réalités possibles. Il n’y a pas d’intuition intellectuelle humaine, parce que l’entendement humain ne peut pas, comme celui de Dieu, créer ses objets en les pensant.

 

8/ C’est pourquoi les concepts restent vides si on ne les met en rapport avec une réalité existante, dont seule la sensation peut donner la conscience. L’entendement ne peut acquérir la science que de ce qui lui est donné par la sensibilité, seule forme humaine de réceptivité intuitive.

 

9/ De leur côté, les sentations sont aveugles parce que, étant d’elles-mêmes dépourvues d’ordre intelligible, elles ne donnent rien à connaître d’identifiable tant qu’on ne leur applique pas les structures a priori de l’entendement.

 

10/ Les sensations ne sont donc que la matière (en elle-même informe) de la connaissance, et elles ne donnent lieu à celle-ci qu’en recevant les formes qui préexistent dans le sujet connaissant.

 

11/ Cette information commence au niveau de la sensibilité, parce toutes les sensations sont reçues dans les cadres formels de l’espace (pour les phénomènes externes) et du temps (pour l’ensemble des phénomènes , externes et internes).

 

12/ La spatio-temporalité (intuition pure) imposée par la conscience à ses affections est ce qui d’une part assure le rapport des mathématiques à l’expérience, faute duquel celles-ci ne pourraient être une science, et d’autre part permet l’application aux sensations des catégories et des principes de l’entendement.

 

13/ Si la connaissance n’existe que comme synthèse d’intuition et de concept (subsomption de la première sous le second), il ne peut y avoir de connaissance là où manque l’un des éléments de la synthèse.

 

14/ C’est pourquoi toute affection subjective n’est pas matière à connaissance : elle peut être du pur apparent (apparence – Schein), dont il faut distinguer l’apparaissant (phénomène – Erscheinung). Seules les affections sensibles subsumées sous les a priori de l’entendement peuvent être considérés comme des phénomènes connaissables, objets de science. [Deuxième contradiction : la sensation est censée être la seule attestation, pour la conscience humaine, de l’existence de choses autres qu’elle-même, mais le vrai critère de cette attestation est un a priori subjectif, étranger à la réalité qui cause la sensation en affectant la conscience].

 

15/ Nous connaissons donc les choses telles qu’elles nous apparaissent (en fonction de nos structures subjectives, sensibles et intellectuelles) et non pas telles qu’elles sont. L’existence de la chose-en-soi est présupposée au phénomène, comme sa « cause non-sensible », mais celle-ci reste pour nous à jamais inconnaissable. [Ici, une nichée de contradictions : 1/ si nous ignorons ce qu’est la chose en elle-même, il n’est pas possible de savoir que le phénomène de la chose n’est pas conforme à ce qu’elle est ; 2/ il n’est pas possible d’affirmer d’une part que la chose est inconnaissable, et d’autre part qu’elle existe nécessairement en tant que cause du phénomène ; 3/ si la chose-en-soi n’est pas sensible, il est impossible de savoir qu’elle cause le phénomène].

 

16/ Les structures d’intelligibilité ne servant qu’à constituer transcendantalement les phénomènes, leur usage transcendant, c’est-à-dire au-delà des limites de l’expérience possible ne peut donner lieu qu’à une illusion de connaissance. [Kant fait toutefois un usage transcendant des catégories d’existence et de causalité en les appliquant à la chose-en-soi].

 

17/ Cette illusion transcendantale a été la faute de la métaphysique précritique quand elle prétendait procurer une connaissance : 1/ de l’âme en tant que substance réellement distincte du corps ; 2/ de l’univers considéré dans sa totalité ; 3/ de Dieu.

 

18/ La psychologie rationnelle [c’est-à-dire la métaphysique de l’âme inhérente au dualisme cartésien] a commis quatre paralogismes, qui consistent à prétendre déduire de la seule certitude formelle du Je pense l’existence substantielle et les qualités réelles (simplicité, personnalité) de l’âme, ainsi que l’existence d’un monde, dont l’âme a besoin de fonder idéalement l’existence.

 

19/ La cosmologie rationnelle suscite une antinomie de la raison pure sous la forme de quatre conflits qui mettent la raison en contradiction avec elle-même. [Ici une difficulté majeure : si la raison livrée à elle-même est condamnée à l’antinomie, c’est-à-dire à prouver une chose et son contraire, c’est la capacité démonstrative de la raison qui est mise en cause, et pas seulement la métaphysique dite dogmatique].

 

20/ La théologie rationnelle a commis elle aussi trois paralogismes. 1/ L’argument ontologique fait comme si on pouvait inférer une existence d’une simple définition. 2/ L’argument cosmologique infère très logiquement l’inconditionné comme seule cause suffisante du conditionné, mais il ne peut aboutir qu’à l’idée du premier, qu’aucune intuition sensible ne peut remplir d’un contenu. [Nouvelle difficulté : la métaphysique précritique concluait à l’existence de l’inconditionné, et non pas à son simple concept, comme seule capable de fonder l’existence du conditionné. La critique de l’argument cosmologique est en contradiction avec celle de l’argument ontologique]. 3/ L’argument physico-théologique ne peut conclure qu’à un architecte du monde et non pas à son Créateur. [Hegel souligne que cette critique est à côté de la question, car la question de savoir si Dieu est créateur et pas seulement architecte du monde est une autre question que celle de son existence à titre de cause première].

 

21/ L’analytique et la dialectique transcendantales conduisent, la première positivement, la deuxième a contrario, à l’affirmation qu’il ne peut pas y avoir de connaissance de ce qui n’est pas expérimentable. Kant en conclut qu’il n’y a pas de métaphysique qui puisse « se présenter comme science » du point de vue théorique (si ce n’est en tant qu’inventaire des principes a priori de la science).

 

22/ La métaphysique n’en est pas moins un besoin inéliminable de la raison pure. Ce besoin se manifeste, sur le plan théorique, par des questions condamnées à demeurer sans réponse. Il ne se trouve satisfait que sur le plan pratique (moral) sous la forme d’une foi de la raison pure en la liberté de l’homme, et même en l’existence de Dieu et en l’immortalité personnelle, soit de croyances exigées par la conscience morale, parce que nécessaires pour sauvegarder son sens, en amont (la liberté) et en aval (la vie future post mortem).

 

MNL