Présentation

"Chantez au Seigneur un chant nouveau!" (Is 42, 10 ; Ps 98/97, 1)

 

     Les chants ici édités ont été composés au fil des dernières décennies à l'intention de la paroisse du Christ-Roi à Toulouse. Ils y ont été régulièrement chantés par une assemblée de fidèles et des choristes pour la plupart dépourvus de formation musicale. Mgr Robert Le Gall, archevêque de Toulouse, à qui le Psautier des dimanches a été soumis, a invité son auteur à "continuer de travailler" (Lettre à l'auteur du 25 février 2008).

     Ce travail se voulait inspiré par la Constitution sur la liturgie du concile Vatican II. Il résultait pour une part d'une certaine déception entraînée par des productions musicales de la période post-conciliaire.

     Il a nourri le répertoire paroissial, associé aux chants d'André Gouzes, de Jacques Berthier, de Lucien Deiss, de Joseph Gélineau, de Jo Akepsimas, de Jacques Villeneuve, de Michel Bouvard, de Jean-Baptiste du Jonchay, de Markus Wittal, ainsi qu'à l'héritage grégorien.

 

 

Extraits de la Constitution sur la liturgie du Concile Vatican II, promulguée le 4 décembre 1963.

 

112. La musique sacrée sera d’autant plus sainte qu’elle sera en connexion plus étroite avec l’action liturgique, en donnant à la prière une expression plus suave, en favorisant l’unanimité, en en rendant les rites sacrés plus solennels. Mais l’Église approuve toutes les formes d’art véritable, si elles sont dotées des qualités requises, et elle les admet dans le culte divin. (…)

116. l’Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine ; c’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place.

117. Les autres genres de la musique sacrée, mais surtout la polyphonie, ne sont nullement exclus de la célébration des offices divins, pourvu qu’ils s’accordent avec l’esprit de l’action liturgique, conformément à l’article 30.

 

30. Pour promouvoir la participation active, on favorisera les acclamations du peuple, les réponses, le chant des psaumes, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes et les attitudes corporelles. On observera aussi en son temps un silence sacré.

 

121. Les musiciens, imprégnés d’esprit chrétien, comprendront qu’ils ont été appelés à cultiver la musique sacrée et à accroître son trésor.

     Ils composeront des mélodies qui présentent les marques de la véritable musique sacrée et qui puissent être chantées non seulement par les grandes scholae cantorum, mais qui conviennent aussi  aux petites et favorisent la participation active de toute l’assemblée des fidèles.

     Les textes destinés au chant sacré seront conformes à la doctrine catholique et même seront tirés de préférence des saintes Écritures et des sources liturgiques.

 

 

Extraits du livre de Joseph Ratzinger, L’esprit de la liturgie (Der  Geist der Liturgie, 2000, tr. fr. Genève, Ad Solem, 2001).

 

     « La place qu’occupe la musique dans la religion biblique se mesure très simplement au fait que les mots ‘‘chanter’’ ou ‘‘chant’’ apparaissent 309 fois dans l’Ancien Testament et 36 fois dans le Nouveau. Ils sont parmi les mots les plus utilisés dans la Bible. Dans la rencontre de l’homme avec Dieu, la parole ne suffit plus : une part de lui-même s’éveille et se met à chanter. Son monde personnel paraît soudain trop étroit pour ce qu’il voudrait exprimer, si bien qu’il invite la Création entière à chanter avec lui : Éveille-toi, ma gloire. Éveille-toi, harpe, cithare, que j’éveille l’aurore. Je veux te louer chez les peuples, Seigneur ; jouer pour toi dans les pays ; grand jusqu’aux cieux est ton amour, jusqu’aux nues ta vérité (Ps 57 [56], 9-11) » (p.111).

 

     « Le livre des Psaumes nous donne (…) une idée de la richesse instrumentale et de la variété des formes de la musique vocale pratiquées en Israël. Chants ou prières, les psaumes déploient tout l’éventail de l’expérience humaine. Deuil, plainte, accusation même, angoisse, espoir, confiance, reconnaissance, joie – la vie entière se reflète dans ce dialogue avec Dieu. Ces chants jaillissent soit d’une misère dont aucune puissance terrestre ne semble pouvoir nous délivrer, Dieu devenant le seul refuge, soit d’une confiance qui sait que, même au plus profond des ténèbres, l’épisode de la mer Rouge est une promesse définitive. Il est frappant d’observer que la plainte provoquée par une détresse sans issue s’achève presque toujours dans la confiance, comme si elle anticipait l’acte salvateur de Dieu. Les psaumes, souvent issus d’expériences très personnelles de souffrance ou d’exaucement, n’en tirent pas moins leur substance du sol commun des actes accomplis par Dieu pour son peuple et débouchent toujours dans la prière commune d’Israël. On pourrait ainsi considérer ces ‘‘chants nouveaux’’ comme de multiples variantes du chant unique de Moïse » (p.113).

 

     « Pour les chrétiens – le Christ étant le véritable David – il allait de soi que David, dans l’Esprit Saint, avait prié par Celui et avec Celui qui devait être son fils en même temps que le Fils de Dieu. Grâce à cette clé, les chrétiens investirent la prière d’Israël avec la conscience d’en faire un chant nouveau. Une interprétation trinitaire des psaumes était ainsi donnée : l’Esprit Saint, inspirateur du chant et de la prière de David, l’avait fait parler du Christ, par la bouche même du Christ. Cela nous permet, à travers les psaumes, de parler au Père par le Christ, dans l’Esprit Saint. Cette interprétation des psaumes à la fois pneumatologique et christologique et christologique s’applique aussi bien au texte qu’à l’élément musical : c’est l’Esprit Saint qui apprend à chanter à David, et par lui à Israël puis à l’Église, car le chant qui dépasse le langage ordinaire est un événement pneumatique. La musique de l’Église, à l’origine, est un ‘‘charisme’’, un don de l’Esprit, c’est la véritable ‘‘glossolalie’’, la langue nouvelle issue de l’Esprit. C’est elle qui donne lieu à la ‘‘sobre ivresse’’ de la foi. ‘‘Ivresse’’, parce que toutes les possibilités de la pure rationalité ont été dépassées, mais ivresse ‘‘sobre’’, parce que le Christ et l’Esprit vont de pair, et que ce langage ivre reste totalement sous la discipline du Logos, dans une nouvelle rationalité, qui, au-delà de toute parole, est au service de la Parole primordiale, fondement de toute intelligence » (p.114).

 

     « L’expression ‘‘chanter’’, dans les psaumes, tire sa racine étymologique du tronc commun des langues orientales anciennes et désigne un chant soutenu par un instrument (probablement à cordes). Le chant était accompagné d’un texte, doté d’un thème et psalmodié sans variations mélodiques, si ce n’est au début et à la fin. La Bible de la Septante a traduit le mot hébreu zamir par psallein, qui signifie en grec ‘‘pincer’’ (en particulier un instrument à cordes). Ce terme désigna dès lors le jeu musical spécifique du culte juif, puis celui du chant de l’Église. Nous le trouvons mentionné au début de chaque psaume, souvent suivi d’une indication qui doit faire référence à un mode d’exécution bien précis, mais dont le sens nous reste obscur. La foi biblique a ainsi élaboré, en harmonie avec son essence, une forme de culture musicale qui servira de modèle à toutes les formes ultérieures d’acculturation » (p.116).

 

     « La foi chrétienne a toujours affirmé la préséance du logos sur l’éthos, comme l’a très bien montré Guardini, dans Vom Geist der Liturgie [1918]. Quand ce rapport est inversé, le christianisme, en tant que tel, n’existe plus. Contre ce double glissement des temps modernes – musique en tant qu’expression de la pure subjectivité ou de la pure volonté – se dresse le caractère cosmique de la musique liturgique, qui nous fait chanter avec les anges. Mais ce caractère cosmique ne peut développer toute sa force que si le culte chrétien tout entier est en relation vivante avec le Logos » (p.125).